18/05/2014
l'oeil & la plume : les grands espaces
Je crois que nous faisant face
Nous avions toujours le dos tourné
Entre nous tout était connu, étendu à sécher
Il n’y avait plus rien à démonter
Tout n’était que pièces détachées
Oubliées dans un carton de poussière
Et pour ne pas voir ce terrain vague
Vide
Nous fermions les yeux
Et parlions à tâtons.
Lentement aveugles
Tout devint bruit
Et le silence tomba
Comme la nuit des tropiques.
Installés au pied d’une décharge
Assis sur les marches du soir
Nous fixions l’horizon dans la même direction
Pour ne pas nous regarder.
Le vent faisait battre les volets
Un peu de terre soulevée, plus bas
Sous nos yeux se levaient les lumières de la ville.
Nous parlions une langue morte
Des textes sans images
Des dialogues sans personnages
La vie pratique était lieu de rencontre
Comme un parking de supermarché abandonné.
Nous attendions la libération.
in poèmes en loft / urgence poésie 2013
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15/05/2014
l'oeil & la plume : le souvenir débarque chez toi à l’improviste
et les mains vides
et il dit « je ne resterais pas longtemps »
et commence à dévaliser ton frigo
et parle très fort en postillonnant
et il te pompe ton énergie
et tu n’arrives pas à le foutre à la porte
et lorsqu’il finit par s’en aller tu es au tapis avec ta migraine
il ne laisse que les cendriers pleins de mégots un sol poisseux plein de larmes et de bières
et un mot sur le palier sur lequel il est écrit :
« je suis parti parce que je t’aime et que je ne saurais te faire du mal directement »
in Microbe n°78 juillet-août 2013
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14/05/2014
l'oeil & la plume : complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment V )
Pour conserver dans ma mémoire
Et ma colère et mon dégoût
Le cadavre
De la petite Yasmina
Mais le ventre plein et les pieds dans un chausson
Les enfants de Charlemagne chantent une
Chanson
Une chanson qu'on apprend à l'école
Il court, il court le furet
Le furet des bois, mesdames
etc.
Il ne faut pas m'en vouloir
Charlemagne
Mais c'est trop injuste
A la fin
Que des gens crèvent
Et que d'autres rigolent
Qu'au bal des pompiers, ce soit toujours les mêmes
Qui s'empiffrent au buffet
Tu n'as rien vu
Charlemagne
Avec tes bons et tes mauvais élèves et tes truands et tes
Gueux, et tes tire-laine et tes coupe-jarrets
Paillards et pendards
A la sauce Villon
Tu n'as rien vu
Et c'est pour cela que tu n'es pas en colère comme moi
Ah! Si je pouvais t'emmener
Main dans la main
A travers les cavernes, les asiles, les rues pourries, les
Misères, les bidonvilles accrochés entre deux cimetières
Les rues de la Lyre, les Pêcheries
Les crève-la-faim, les crève-le-froid, les mères de famille
Nombreuse prix cognac, mendiant avec des moutards
Plein les bras et les pieds
Et les vieillards qui gigotent entre leurs barbes et les
Dockers qui couchent à leur mauvaise étoile et les
Malades qui agonisent sous les porches et les tas de
Pauvres types couchant l'un sur l'autre au-dessus d'un
Soupirail de boulanger pour se réchauffer et humer
L'air du pain frais et les gourbis de feuilles mortes
Qu'on ramasse à la pelle, à travers aussi les pierres
Et les lézards et les gargotes et les pauvretés et les
Dénuements
Main dans la main
Tout simplement
Comme deux types anonymes
D'une foule plus anonyme encore
Cherchant un peu de bon-dieu
Dans la bourse
De ceux qui se réclament de la déclaration
Des droits de l'homme
De la femme, de l'enfant et du vieillard
Et de l'orphelin
Et de la petite Yasmina KHOUNI.
Un peuple de mendiants
Voilà ce que c'est
Charlemagne
C'est pour cela que j'ai beaucoup de peine
(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).
Source http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...
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