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13/09/2017

l'oeil & la plume... prends un siège et causons

2009prends un siège et causons.jpg
Paris, quartier du marais                                                                                        photo jlmi 2009
 

Deux visions de la même image

 

 

cathy garcia

belle chemise de communiant, un diplôme de comptabilité, un avenir assuré à la capitale, il en avait rêvé du fauteuil à roulette, bleu et soyeux comme le ciel dont parlait monsieur le curé, le ciel à gagner en passant sous la soutane, la communion privée après le catéchisme, dans la sacristie sapristi, il en avait rêvé du fauteuil à roulettes dans un bureau plein de plantes vertes où on lui donnerait du "monsieur le comptable", mais faut croire que le mensonge du ciel est dur à avaler pour un petit gars sous la soutane, et à Paris, la comptabilité, ça a continué comme ça, des billets certes, gagnés vite fait dans les pissotières... on l'appelait le comptable mais on lui donnait pas du monsieur, on le prenait c'est tout, vite fait, souvent mal fait, jusqu'au jour où on l'a trouvé pendu dans une église du quartier...

 

murièle modély

petit poète, où as-tu disparu ?
pourquoi as-tu quitté la scène de la rue ?

qui a rompu les fils
achevés chaque soir, défaits chaque matin
sur le bord du trottoir ?

Je sais, petit poète
ton âme est faible
ton corps étique
les murs de béton
et tes doigts de coton

les tranchées sont profondes
toujours profondes et sombres.

qui les a donc creusées ?
qui s'est assis ici ?
et qui t'a regardé
jeté ?

le rebut et la terre
entière dans la fosse
tranchée

tranchés aussi les mots, petit poète
les vers grouillant dans les poils blancs
menton tremblant

petit poète, es-tu
cet homme pendu
à la fenêtre ?

 

11/09/2017

l'oeil & la plume... un autre de ses fils

un autre de ses fils.jpg
texte de bruno toméra                                                                   ill. jlmi  2012

 

je l’ai rencontré dans un caboulot rue Mercière à Lyon. 

Un brasier rouge d’accent du sud,

supporter clodo de l’OM, 

on a parlé autour d’un picrate de tout et surtout de rien.

Il était paumé, ça tombait bien, on avait du temps.

On s’est retrouvé à Avignon quand les contrôleurs

nous ont débarqué sur le quai, 

même les flics n’ont pas effacé de ses yeux cette petite lueur ravivée.

Lézards sous la chaleur des remparts, on matait les filles

« wahoo t’as vu celle là» 

« canon » 

« j’te lui en ferais bien péter un coup »

Rien que de l’humain désenchanté 

quand tirer une crampe avec d’inaccessibles silhouettes 

s’apparente à s’envoyer en l’air avec des cauchemars bien mûris.

On a poussé à dix on ne sait trop comment 

sauf que là des romanos nous ont braqué.

Les pauvres volent que les pauvres, c’est plus facile.

Aux coups de poing, ça allait, quand ils ont sorti les surins

je leur ai filé la petite monnaie,

la gueule éclatée, d’autres flics nous ont empaqueté

puis on a débarqué à St Charles sans contrôle.

Le soleil hurlait, la ville aussi, les morts marchaient,

tout fonctionnait.

Ses adresses sont bidons, on a bu fait la manche et rebu,

il s’est mis à trembler, à déconner raide et pis il est tombé en râlant. 

Y a fallu du temps avant que les marins pompiers

l’embarquent dans leur sillage dantesque.

M’ont rien demandé, ni son nom que je ne connaissais pas 

ni ses vieux rêves déguenillés.

La mer, là-bas il y avait l’Afrique une autre « Mère » qui

se demandait comment elle avait pu engendrer une telle bande

de ridicules anxieux, fabricants de la misère qui se goinfrait

de famines, de sida, de guérillas et de contrées détruites.

Une mère qui n’aurait jamais assez de larmes.

J’ai cru poser un moment ma tête sur l’épaule de la Madone dorée.

Il n’y avait pas de miséricorde, 

il n’y avait rien que des corps qui fonçaient droit vers le néant. 

Je lui avais ramené un de ses fils.

J’avais pu qu’à aller me faire voir ailleurs.

 

 

09/09/2017

l'oeil & la plume... high toc

 Robot 10.jpg
texte de cathy garcia    ill.  jlmi  2017

 

ça nous prend, ça nous tient, ça nous broie et ça nous valdingue dingue dingue

les infos les réseaux les bombes les pubs les décapitations les images les sons les épidémies et les innombrables prix

la fonte des glaces la tonte des classes les premiers hurlements les derniers cris le grand cirque des médias fantasmatiques les succions les pressions le coma de l’éthique les claques et les cliques

ça nous prend ça nous retourne et nous retourne encore ça nous décervelle nous ratatine

les infos les réseaux les mobiles et les crimes les forfaits les nouilles les navets les douilles les pavés les séries les saisons les partis les religions et s’ils sont partis

c’est avec la caisse fist-fucking et la grande évasion fiscale

ton sang ta sueur l’argent et le beurre la vache et le lait le pré le fermier

et sa mère et sa femme et les frères et les sœurs le marteau l’enclume

ho ho ce serait le bonheur

s’ils avaient laissé quelques clous pour finir crucifié

sur youtube

liké sur facebook

nos murs nous survivrons

ils sont les derniers vestiges des civilisations

n’oublie pas de laisser tes empreintes digitales et le scan de ton fion

pour les archéologues du futur