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23/10/2017

l'oeil & la plume... tissage#3

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texte Cathy Garcia sur une photo d'Anne-Lise ©

 

 

La touffe, la motte

arrachées

jetées sur les rochers

qui blessent

la touffe, la motte

et les doigts qui fouillent

les plaies

la petite culotte

arrachée

jetée sur les rochers

qui blessent

la touffe, la motte

la brutalité

 

source

 

18/10/2017

l’œil & la plume ... docteur Ferdinand misanthrope

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texte de fanny sheper                                                                                                                 collage  jlmi 2013
 

 

 

C’était un homme particulier au regard redoutable

Un monstre en charentaises reclus et raffiné  

Un docteur misanthrope à la main précise

Amoureux des malheureux, des miséreux

Il soignait même les méchants, « car un méchant guérit » disait-il

« Sera toujours un peu moins  méchant qu’un méchant malade »

C’était sa contribution à lui, pour rendre ce monde un peu moins pourri

Il allégeait  les ignobles d’un peu de leur ignominie

Il consolait avec tendresse  les mourants des hospices et les enviait parfois

Il aimait les chats, les chiens, les vieillards, le travail et la solitude

Sous son crâne grouillait une souffrance stridente 

        un train terrifiant dont il était le seul passager

Ecrivain efflanqué et génial

         il décrivait les charognes d’humains et leurs vulgaires immondices

Les gens lourds et jaloux, Les bubons de la terre, les Infirmes d’imbécillité

Il écrivait  l’horreur humaine,  la monstruosité de ses congénères

Il avait la finesse d’une chienne de traîneau

Qui pince et niaque pour prévenir de la chute

C’était un homme de finesse et de fureur

Un goujat plein de bonne manière

Un intello furieux plein de tendresse

Un clochard élégant et sauvage

Un homme trop humaniste pour aimer les hommes

 

16/10/2017

l'oeil & la plume... le rêve nu

EdwardHopper-Eleven-AM-1926.jpg
texte de Astrid Manfredi  ©2016                                       Edward Hopper Eleven AM - 1926

 

Il est tôt. Le crépuscule du matin. Ma vie se faufile entre les ombres. Mon cœur bat lentement décidé à prendre du repos. Je n’en perçois plus le va-et-vient. Peut-être s’est-il arrêté sans que je m’en aperçoive ? Morte vivante. Il fait froid dans la chambre d’hôtel. C’est l’hiver. C’est New-York. Les néons sont insomniaques. Les tours sont emmitouflées d’acier et de verre.  On dirait qu’elles pleurent. Pas un chat dans l’impasse de l’aube. J’ai chaud aux pieds. Je n’ai pas oublié mes chaussons. Prendre soin de mes extrémités. J’ai envie de pleurer mais ça ne sort pas. C’est un chagrin compact, ancien, sec comme un vieux morceau de Corned-beef. J’ai pris du poids. Un bourrelet disgracieux sur l’abdomen, de la cellulite sur les cuisses. Trop de tout. De graisse, de sucre, de vide. Le tissu du fauteuil miteux où je suis installée me pique les fesses. J’ai la flemme de changer de place. Au moins est-il est face à la fenêtre. Je pense à maman. A sa maladie. A ce truc dans son ventre qui la ronge. Parait que c’est héréditaire. Ce n’est pas gai les gènes. J’attends le lever du soleil. J’attends le bruit du camion qui livre le lait. Il est 5h30 du matin. Je n’ai plus de frissons.  Les chansons mentent. Je pense à demain, à ce nouveau boulot.  Hôtesse de jour. Sourire, rouge à lèvres, tailleur cintré. Pas envie d’être aimable. Je sens le poids de mes cheveux. Ils sont épais et roux, comme ceux d’une irlandaise. Est-ce que je suis irlandaise ? Est-ce que mes ancêtres arpentaient la lande pour se rendre à la messe ? Non je ne crois pas. Je ne sais pas d’où je viens. A quoi bon ? J’ai envie d’un café. Un costaud bien serré qui met l’estomac en vrac. J’aperçois un type, il siffle, c’est le livreur de journaux. Il a l’air heureux de porter ses mauvaises nouvelles. Que cette chambre est moche. Que cette ville fait du bruit pour assourdir l’épouvante des âmes. J’ai envie d’une fenêtre qui s’ouvre sur la mer. Je veux du cobalt. Oh un oiseau ! Il s’est posé sur le rebord d’une fenêtre mitoyenne. Il me toise de son œil jaune. Quel aplomb. Le même que tous ces types qui s’imaginent que je vais coucher gratis avec eux quand ils m’ont offert un verre. Il prend son envol et ses ailes se déploient sans envergure. C’est un oiseau des villes et il a compris qu’il n’était pas le bienvenu. Je crois que maman va mourir. J’ai peur. Peur du monde sans elle. Je suis nue. Elle m’embrasse, elle sent le tabac blond et la poudre de riz. Mes paupières sont lourdes comme le ciel. J’ouvre la fenêtre. Air de glace. C’est l’hiver. C’est New-York. Sauter …

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