23/10/2017
l'oeil & la plume... tissage#3
texte Cathy Garcia sur une photo d'Anne-Lise ©
La touffe, la motte
arrachées
jetées sur les rochers
qui blessent
la touffe, la motte
et les doigts qui fouillent
les plaies
la petite culotte
arrachée
jetée sur les rochers
qui blessent
la touffe, la motte
la brutalité
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18/10/2017
l’œil & la plume ... docteur Ferdinand misanthrope
C’était un homme particulier au regard redoutable
Un monstre en charentaises reclus et raffiné
Un docteur misanthrope à la main précise
Amoureux des malheureux, des miséreux
Il soignait même les méchants, « car un méchant guérit » disait-il
« Sera toujours un peu moins méchant qu’un méchant malade »
C’était sa contribution à lui, pour rendre ce monde un peu moins pourri
Il allégeait les ignobles d’un peu de leur ignominie
Il consolait avec tendresse les mourants des hospices et les enviait parfois
Il aimait les chats, les chiens, les vieillards, le travail et la solitude
Sous son crâne grouillait une souffrance stridente
un train terrifiant dont il était le seul passager
Ecrivain efflanqué et génial
il décrivait les charognes d’humains et leurs vulgaires immondices
Les gens lourds et jaloux, Les bubons de la terre, les Infirmes d’imbécillité
Il écrivait l’horreur humaine, la monstruosité de ses congénères
Il avait la finesse d’une chienne de traîneau
Qui pince et niaque pour prévenir de la chute
C’était un homme de finesse et de fureur
Un goujat plein de bonne manière
Un intello furieux plein de tendresse
Un clochard élégant et sauvage
Un homme trop humaniste pour aimer les hommes
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16/10/2017
l'oeil & la plume... le rêve nu
texte de Astrid Manfredi ©2016 Edward Hopper Eleven AM - 1926
Il est tôt. Le crépuscule du matin. Ma vie se faufile entre les ombres. Mon cœur bat lentement décidé à prendre du repos. Je n’en perçois plus le va-et-vient. Peut-être s’est-il arrêté sans que je m’en aperçoive ? Morte vivante. Il fait froid dans la chambre d’hôtel. C’est l’hiver. C’est New-York. Les néons sont insomniaques. Les tours sont emmitouflées d’acier et de verre. On dirait qu’elles pleurent. Pas un chat dans l’impasse de l’aube. J’ai chaud aux pieds. Je n’ai pas oublié mes chaussons. Prendre soin de mes extrémités. J’ai envie de pleurer mais ça ne sort pas. C’est un chagrin compact, ancien, sec comme un vieux morceau de Corned-beef. J’ai pris du poids. Un bourrelet disgracieux sur l’abdomen, de la cellulite sur les cuisses. Trop de tout. De graisse, de sucre, de vide. Le tissu du fauteuil miteux où je suis installée me pique les fesses. J’ai la flemme de changer de place. Au moins est-il est face à la fenêtre. Je pense à maman. A sa maladie. A ce truc dans son ventre qui la ronge. Parait que c’est héréditaire. Ce n’est pas gai les gènes. J’attends le lever du soleil. J’attends le bruit du camion qui livre le lait. Il est 5h30 du matin. Je n’ai plus de frissons. Les chansons mentent. Je pense à demain, à ce nouveau boulot. Hôtesse de jour. Sourire, rouge à lèvres, tailleur cintré. Pas envie d’être aimable. Je sens le poids de mes cheveux. Ils sont épais et roux, comme ceux d’une irlandaise. Est-ce que je suis irlandaise ? Est-ce que mes ancêtres arpentaient la lande pour se rendre à la messe ? Non je ne crois pas. Je ne sais pas d’où je viens. A quoi bon ? J’ai envie d’un café. Un costaud bien serré qui met l’estomac en vrac. J’aperçois un type, il siffle, c’est le livreur de journaux. Il a l’air heureux de porter ses mauvaises nouvelles. Que cette chambre est moche. Que cette ville fait du bruit pour assourdir l’épouvante des âmes. J’ai envie d’une fenêtre qui s’ouvre sur la mer. Je veux du cobalt. Oh un oiseau ! Il s’est posé sur le rebord d’une fenêtre mitoyenne. Il me toise de son œil jaune. Quel aplomb. Le même que tous ces types qui s’imaginent que je vais coucher gratis avec eux quand ils m’ont offert un verre. Il prend son envol et ses ailes se déploient sans envergure. C’est un oiseau des villes et il a compris qu’il n’était pas le bienvenu. Je crois que maman va mourir. J’ai peur. Peur du monde sans elle. Je suis nue. Elle m’embrasse, elle sent le tabac blond et la poudre de riz. Mes paupières sont lourdes comme le ciel. J’ouvre la fenêtre. Air de glace. C’est l’hiver. C’est New-York. Sauter …
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