28/06/2017
l'oeil & la plume... le meilleur coup de la terre
 texte bruno toméra                                                                                                       photo le bélier en crise  2010
texte bruno toméra                                                                                                       photo le bélier en crise  2010 
Elle arrive de loin, du fin fond du grouillant clinquant de la rue piétonne,
enveloppe flottante de tissu noir avec dessus un bonnet jaune troué,
les gens affairés ou nonchalants s'écartent désorientés par cette apparition
évadée d'une craquelure d'une toile de Jérôme Bosch.
- T'as une clope et une petite pièce ?
Elle pue
elle n'a pas d'âge
antiquaire d'elle même
elle transbahute le présent défraîchi
dans deux sacs éreintés
par le poids de l'essentiel capharnaüm
de l'inutilité.
Je lui donne la clope et tire de ma
poche un bifton de cinq euros.
- Sympa mon gars
tu veux en siffler un ?
- Je veux bien.
Elle sort d'un des cabas
2 gobelets plastique cradots et un litre entamé
- Bois mon gars, beau temps aujourd'hui...
Nous buvons le picrate acide sous le soleil au milieu de l'agitation.
Je trinque avec la barmaid des enfers et c'est bon.
- J'aurais vingt piges de moins, je t'aurais fait ton affaire...
j'étais belle, ça me connaissait les beaux mecs... O des beaux gars...
Qu'elle rajoute
- J'en doute pas, madame.
Elle sourit, des souvenirs clairsemés et joyeux doivent se superposer
sur les capricieux écrans de sa mémoire.
- Faut que j'y aille, j'ai des affaires à régler.
Qu'elle dit d'un coup le regard gelé et perdu dans la nuit
d'un hiver instantané.
Elle se barre, trottinant instable sur les pavés
vers une aléatoire prolongation de l'existence.
Je la rattrape, lui colle une bise sur la joue
et lui dit
- Sûr madame, Vous êtes le meilleur coup de la terre.
00:14 Publié dans l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (0)
27/06/2017
l'oeil & la plume... poème sur la mort d'un monastère de banlieue (fragment III )
 texte de d.a. levy                                                                                                                      collage   jlmi  2014
texte de d.a. levy                                                                                                                      collage   jlmi  2014  
les petites funérailles
« la seule différence
 entre les matadors & les poètes
 c'est que les uns flirtent avec la mort
 et les autres avec la folie »
 rik davis
 ils vous ont presque tous menti
 moi y compris je suppose
 « le poète joue avec la folie »
 c'est ridicule - nous sommes tous fous
 c'est à vous de réveiller les poètes
 perdus dans leurs passés mystérieux
 le poète mange & dort & pisse
 & pète & chie & écrit
 des poèmes - c'est ça, la folie ?
 c'est un maître zen sous barbituriques
 
 c'est l'homme d'affaires, le commerçant
 qui joue avec la folie - le
 docteur qui joue avec la médecine - l'imprimeur
 le fabricant de bombes & le type
 qui fait des baguettes & des croissants de 9h à 5h
 se réveille à 6h
 conduit son camion
 à travers la ville
 vivant jour après jour
 la même routine
 insensée
 sans même le temps
 de se demander pourquoi
 poètes paumés dans le luxe de pouvoir
 poser des questions de pouvoir
 se cogner la tête contre les murs
 & dire « hé c'est mon boulot »
 & ils savent déjà - qu'ils ne veulent pas de réponses
 
 ah mais ce matador en transit rapide
 embroché chaque jour par des cornes
 invisibles - intérieurement
 & les transactions commerciales qui ne se font pas
 & le cow-boy de la CTS assis sans un mot
 cherchant à décrocher du boulot - n'importe quel boulot
 & qui sait qu'il crèvera tubard
 ou du cancer à 65 ans- incapable de trouver un poil de
 signification dans tout ce jeu
 ah la douce folie que de pouvoir
 balancer toutes ces journées désespérément identiques
 alors que le matador reçoit une rose
 d'un petit boudin cradoque
 dans la foule
 il lui donne les oreilles du taureau
 plus tard au lit
 
 & un poète qui bande avec une pauvre vision
 nettoie pour vous le tableau
 mais maintenant vous avez la télévision
 & vous rêvez trop
 
 l’éboueur le matin
 connaît sa propre réalité
 les éboueurs ne se font jamais descendre pendant les émeutes
 peut-être sont-ils les vrais saints
 avec une aura protectrice
 leur réalité - la merde de
 la corbeille à papier de votre chambre à coucher
 il faut être un maître zen
 pour être éboueur
 & les poètes mentent quand ils essaient de trouver
 quelque beauté dans les tas d'ordures
 les ordures sont les ordures
 la poésie est une ordure sentimentale -
 les détritus
 & la beauté ne sont que des rêves
 mais maintenant vous avez la télévision
 pour vous aider à rêver
 
 hommes sans âme
 toreros de magasins sans importance
 fantômes décervelés qui jamais ne possèderont d'esprit
 avec lequel jouer
 hommes aux rêves télévisés de lycéens
 qui se signent en des rites de mort
 qui murmurent « doux jésus » avant d'affronter
 leurs concurrents chaque jour
 qui jouent à la guerre - & deviennent des policiers
 jouant avec la folie
 ils conduisent leurs autos
 se moquent des hippies boivent le vendredi
 jouent aux quilles chient sur Dieu chaque jour & meurent
 & meurent & meurent tout seuls
 enveloppés dans des drapeaux
 fiers de leur folie
 & les poètes académiques
 écrivent pour vous leurs rêves proprets
 & prétendent que tout est beau
 assis dans un bar
 le confessionnal alcoolique
 
 & chaque jour je m'assieds ici
 & j'essaie de devenir chacun d'entre vous
 l'un après l'autre
 essayant ces rêves de lycée
 pour voir la taille
 ça marche pas
 vous n'êtes pas à ma pointure
 
 poète j'essaie d'apprendre
 à rester humain
 malgré la technologie
 & il n'y a personne pour m'enseigner
 je suis encore trop jeune pour
 être tranquille & contemplatif
 
 je ne veux pas devenir une carte vermeille
 tremblant de terreur devant la télé
 
 des hommes d'affaires dans leurs ego-trips amphétaminés
 me racontent leur dernier coup
 
 je visite des églises & des temples & je pose des questions
 & on me donne une brochure
 ou un livre idiot
 on dirait qu'il n'y a personne
 d'autre que moi pour répondre à mes questions
 
 une hideuse responsabilité
 avec des conséquences encore pires
 
 adieu télévision
 je rentre dans ma tête
 
 ma femme & moi
 faisons notre promenade du soir
 autour du bloc
 (sommes-nous si vieux)
 il y a quelque chose de beau
 en elle quelque chose
 une sorte de rêve dans le ciel sans nuage
 
 je sais que mes rêves sont irréels
 mais ce sont mes rêves
 
 parfois
 par les chaudes nuits d'été
 nous nous haïssons
 & c'est merveilleux...
note :
 paix & lucidité sont
 deux petits oiseaux
 qui cherchent à quitter la planète
 parce qu'ils sont las de mourir
 
 je n'ai pas de conseils à donner
 
 
in Poème sur la mort d’un monastère de banlieue
 “Suburban Monastery Death Poem”, Zero Edition, Cleveland 1968
 “Suburban Monastery Death Poem”, Second Zero Edition, Cleveland 1976
 “Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, in Starscrewer Spécial, Berguette, 1981
 “Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)
00:52 Publié dans l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (1)
26/06/2017
l'oeil & la plume... néologisme
 aphorismes de werner lambersy                                                                                           photomontage  jlmi  2013
aphorismes de werner lambersy                                                                                           photomontage  jlmi  2013 
Je n'aime pas qu'on mène la musique à la baguette.
Je suis contre la peine de mort même naturelle.
J'en veux à tous les morts : c'est trop facile.
"Je t'aime" doit rester un néologisme.
00:38 Publié dans l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (1)



