24/01/2018
l'oeil & la plume... le p'tit Cardo
Pour Alfonso Cloete & Velencia Farmer
Ils ont dit que c’était l’homme blanc que je devais craindre
Mais ici ce sont les miens qui commettent les massacres
Tupac Amaru Shakur
Lorsque Cardo est né
personne ne l’attendait
sa mère avait seize ans
son père était l’Animateur de Quartier de l’Année
sa grand-mère était caissière et son grand-père, enfin, le mari de sa grand-mère, buvait pour oublier la douleur
Cardo était un beau p’tit gars
à la peau brune et aux yeux clairs
assez beau pour parler anglais
il aimait jouer dans la rue
aux trois bâtons et à la chandelle
Pour Tantie Gawa dans sa camionnette
Cardo était un petit ange tombé du ciel
La veille de son premier jour
à la grande école
les School Boys ont lancé des pétards dans la rue
Cardo est allé voir à la fenêtre
la balle s’est fichée dans sa gorge
sa mère n’a pas pleuré
quant aux politiciens ils ont planté un arbre
que le vent d’est a emporté
et jeté là où gisent
tous les autres rêves du Cap –
dans les marécages des Capes Flats
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22/01/2018
l'oeil & la plume... inutile
Tous les jours dans le miroir, affronter
ma gueule cassée, le reflet
de mes échecs,
celle que j’aimais a eu
raison de me quitter,
toutes ces années, je n’ai
eu aucun avenir
DEPUIS TOUTES CES ANNÉES
JE N’AI
aucun avenir, je n’avais à offrir
que la diaphane promesse de l’aimer encore
quand les années auraient étranglé
sa sublime beauté, mais lesquelles oseraient
encore
croire aux promesses ? celles
qui brisent leurs serments ?
celles qui mentent ?
celles que tous on trahis ?
Quoique je sois, loin de moi, Pretty Face me calomnie,
moi je me hais de près pour mes émois
je rêve parfois d’ouvrir ma peau
pour jeter mes entrailles brûlantes aux
chiens errants, m’asseoir et les regarder
me dévorer, lorsque je lève
mes paupières grises la douleur sourit tandis
qu’en chantonnant doucement, l’existence
plante ses crocs autour de mon cœur, je sais qu’elle ne lâchera
pas sa proie avant
le dernier battement, tant pis si
l’Amour ce soir me paraît inutile
je sais que demain j’ouvrirai les yeux en manque de
quelque chose au goût de flammes
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21/01/2018
l'oeil & la plume... Psychorama holographique IV
i.m. PG
L’univers, jamais terminé jamais commencé
Réponse : au commencement il n’y avait pas de temps !
Question : au commencement le temps était déjà là ?
Le rêve lucide d’une dissolution poudreuse dans l’atmosphère
Réponse : disposer de soi
Question : le privilège de l’homme ?
La peur de perdre la main face à la mort
L’absence à soi-même ; comment donner un sens à cette inévitable issue ?
Les états latents d’un espoir inespéré
Le lent effondrement du désir de la lutte dans le vieillissement du corps
L’acceptation de la vieillesse naissante dans l’attente de l’incontournable labyrinthe de la déchéance physique
Le long sillage des débris de la vie
Le vieillard en costume de cotonnade noir au pied du lit-cauchemar
Le cri coincé à l’intérieur du corps
Le peu de vie encore égarée là tout au creux à vider au plus vite, pour que tout ça finisse
L’assombrissement de la lumière
Le temps suspendu juste, tout juste avant l’incontournable
Le moment précis de la surprise du bout de la course
Le dernier saut dans l’éboulis avant la défaite et l’oubli
Réponse : la mort
Question : seule à la portée de tous ?
L’immense procession des passés par la vie sous les lampadaires à luminescence de la rue Aux-Yeux-Morts
Le grand camp des allongés et son jardin de stèles et de croix
La situation universelle de nos chers disparus
La tristesse sanglotée dans la boule d’un mouchoir
La floculation des molécules-soupirs
Les sables du passé sur le seuil du deuil
Réponse : l’inexorable !
Question : l’absence, quelle signification ?
L’enclos des murmures de la mémoire du futur
Le manteau de plumes et de plomb de la nostalgie
L’érosion inéluctable de tout sentiment, de tout désir
La faveur tremblotante des mirages
Les océans seuls…, par hasard dans l’éclatement
L’algorithme souple du balancement des algues au rythme lent des vagues
Les coulées lunaires de lumière fade
Le mouvement des ombres définitives
La fornication des mousses et des lichens aux écorces moisies
Le bain de minuit du soleil noir et d’une nuit blanche
L’être lecteur de l’illisible dans les plis de la lune en reflets d’océan
La liturgie léthargique des masques blancs poudrés du nô
La face cachée de l’ombre du chant de l’Univers
Les psychoramas holographiques I à VI
sont publiés ce mois-ci dans la revue
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