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21/12/2017

l'oeil & la plume... citron bleu

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texte et illustration   isabelle le gouic
 

Le sommeil a pris ton empreinte et la colore de tes yeux.   Paul Eluard

 

J'ai allumé un citron bleu quand j'ai éteint l'orange.

La terre est bleue comme une orange,

papier bavard de Paul Eluard.

Eluard, élu art, l'art élu de Paul Eluard,

citons le, récitons le,

et nous réciterons aussi le véritable citron bleu,

bleu marine, le bleu badine, j'ai les mots bleus ressuscités.

J'ai su citer Eluard qu'a suscité ce drôle de rêve,

un citron bleu comme une comète dans ma tête comprimée,

un citron bleu qui fait la fête et qu'a envie de s'exprimer.

De mon sommeil chimique, naît la belle alchimie.

 

J'ai allumé un citron bleu quand j'ai éteint l'orange.

J'ai des marées montantes qui défient l'horizon

quand j'ai ce citron bleu qui défie la raison.

La lune a des pulsions au rythme du citron.

J'ai démarré mon slam sur la peau d'une orange,

je sais, les mots d'Eluard, nous les réciterons,

mais moi, j'ai le vague à l'âme, je divague, je dérive,

dix lignes font dix vagues, sur des pages, sur des rives,

des vagues à slam sans se lamenter, mon slam hanté par une orange.

Si j'ai la tête en marmelade, appelez-moi p'tite tête malade.

 

J'ai allumé un citron bleu quand j'ai éteint l'orange.

Le mot explose dans le fructose, j'ai le mot bleu qu'est pas morose.

J'ai le citron onirique, j'ai le citron qui ose la pulpe diabolique,

j'ai le citron atomique, le nucléaire qui gicle.

Joindre le zeste à la parole, le citron bleu en parabole,

c'est plus tonique, c'est plus comique.

J'ai les antennes au paradis, j'ai les pépins qui décollent.

C'est un vrai cas d'école quand le citron me grise.

Ce bleu m'aspire, ce bleu m'inspire, devient spirale qui électrise.

 

J'ai allumé un citron bleu quand j'ai éteint l'orange.

Slam, slamer, cela me berce et cela m'arrange.

La terre se terre comme une orange, l'orange est bleue, elle est aux anges.

Cela appelle un commentaire, car comment taire ce qui dérange ?

Moi je préfère le citron bleu, car il est bleu comme un losange

qui vole à tire d'ailes et qui excelle en excès de zèle du désir et du plaisir.

Le citron bleu est un néon dans le néant, c'est le nez rond de mon clown blanc.

Il n'est pas sage et à chaque passage, je m'éclaire au chocolat,

le temps d'un éclair ou le temps d'un éclat.

Cacao qu'est k.o. et zeste à terre puis se relève à la Saint Nicolas.

Le citron bleu, c'est comme un jeu,

c'est un carré qui est aux anges quand il devient losange,

c'est un 8 de carreau ou un 9 de chocolat.

Tonnerre de Brest ou de passage, il tonne, il détone.

Mille sabords ! J'lui rends hommage au capitaine qu'est pas piteux,

le citron bleu qu'est capiteux. Alors l'orange capitule sans préambule,

s'en prend aux bulles, s'en prend à tout mais elle ne comprend rien du tout.

Remontée comme une horloge, elle a des tic, elle a des tac,

l'orange mécanique. Quand elle attaque, j'ai mon éthique,

mais l'orange s'absente comme privée d'absinthe dans mon bal neuronal.

 

 

J'ai allumé un citron bleu quand j'ai éteint l'orange.

J'aime son grain azuré qui donne du grain à foudre.

J'récapitule, c'est capital, mon capitaine. Mon rêve ne connaît pas la trêve.

J'aime l'errance du pépin qui se prend un grain, un soir d'orage.

Mon par-dessus est tout mouillé mais j'avance aussi sec,

c'est que j'aime la pluie par-dessus tout quand elle tombe à l'envers.

Quand elle tombe sans ciel, je marche sur deux mains

dans le noir voilé de doux neuroleptiques.

Mon rêve est essentiel, j'avance vers demain,

avec un citron bleu en guise d'hypnotique.

J'éclaire ma lanterne à la lueur d'un bras, les antennes à l'envers,

les ans ternes allant droit, à l'endroit des revers.

 

J'ai allumé un citron bleu quand j'ai éteint l'orange.

Mon rêve bleu bercé de slam, je joins le zeste à la parole.

Moi, j'ai l'âme estivale quand l'orange s'éteint, quand l'agrume s'affole,

quand il change de teint, devient bleu comme la lune,

quand il brûle au fer bleu l'orange qui enfume,

quand il nous est offert bleu, éblouissant les cieux.

J'ai le citron allumeur qui zeste en l'air, un soir d'orage,

devant l'orange sans voix sur une voie de garage.

J'ai les neurones rieurs dans les fluides hypnotiques,

et l'orange déconfite a l'air d'un leurre dans un flou elliptique,

suspendue à un doigt, à un doigt de se perdre, à un doigt de l'oubli.

A la lueur d'un zeste plus bleu qu'une utopie, mon rêve est bien réel :

Mon songe n'est pas mensonge, voyez ce citron bleu sur mon papier bavard,

le rêve innerve, le verbe devient sève dans les lèvres, le rêve est verve,

le rêve  orfèvre, qui se faufile, que l'on enfile comme des perles.

Voyez ces mots qui dansent comme des archipels dans un feu d'artifice,

quand les anges sont bleus et slament dans les étoiles qui boivent au calice

au pays des merveilles.  

 

 

20/12/2017

l'oeil & la plume... la maladie de mercure

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texte de fanny sheper                                                                             Hg, Pb & reclining Girl   jlmi 2013
 

 

La maladie de mercure

 

Je porte des gants de mercure

Et des bottes de plomb

Chaque pas m’en coûte un million

Chaque geste est une lutte dans le néant

Mon temps est élastique

Car mes longues traînes de glaise

M’empêchent d’être à l’heure

Ne me pressez pas

J’ai beau me hâter

C’est un désert que je traverse

Pour arriver jusqu’à vous

Marcher c’est enfoncer son pied

Dans une terre putride et molle

Avancer, c’est encore plus dur que de parler

Rencontrer ? Impossible.  

Trop de mouvements, trop d’incertitudes

L’avenir me fatigue, j’aimerai rester ici

Trouver l’endroit, où l’on ne bouge pas.

J’ai la maladie de mercure

Celle pour laquelle, je suis toujours en cure

Celle qui rend chaque mouvement

Traversée de l’océan

Celle qui anéantit l’action

Le projet, la vie.

Mon corps n’est que sable mouvant

Plus d’espoir d’amélioration

J’ai la maladie de mercure

Le mal que les actifs

Nomment paresse

Sans savoir qu’une vie de plomb

 

N’est pas une vie de fainéant

 

 

18/12/2017

l'oeil & la plume... écrire pourtant

 

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texte de cathy garcia                                                                                               illustration ©Banksy*

 

 

Je n’arrive pas à écrire quand le sang, le chaos, les cris,

Les hurlements obstruent toute pensée

Je n’arrive pas à écrire quand la honte et l’impuissance

Paralysent toute pensée

Je n’arrive pas à écrire quand tant d’autres meurent pour rien, assassinés

Palestine ou ailleurs, assassinés par le pouvoir et la cupidité

Par l’arrogance et la bêtise

Je n’arrive pas à écrire quand je regarde jouer mon enfant  

Et que je l’imagine sous des décombres

En morceaux, la tête arrachée

Je n’arrive pas à écrire quand je sais que le mensonge

Le cynisme et l’indifférence règnent en maîtres

Je n’arrive pas à écrire car les mots me paraissent vides, creux

Incapables de panser des plaies, de rebâtir des maisons

De reconstruire des vies, d’effacer les cauchemars

Destruction totale de la dignité

Rien, RIEN, ne justifie un massacre

Mais humains nous le sommes tous

Et la douleur, l’injustice appellent vengeance

Et la vengeance appelle la douleur et l’injustice

Cercle vicieux donc nous ne sortirons

que par la reconnaissance du tort infligé à autrui

le combat contre l’ignorance

Je n’arrive pas à écrire parce que l’homme est la plus bestiale des bêtes

Et la plus lumineuse aussi quand il reçoit d’on ne sait où une étincelle de sagesse

Je n’arrive pas à écrire car les mots ne réparent pas la mort

Je n’arrive pas à écrire parce que les mots peuvent aussi devenir des bombes

Que je voudrais déverser sur bien des dirigeants de ce monde

J’ai honte
J’ai honte
J’ai honte

Le nom d’Homme me fait honte.

 

(extrait de Guerre et autre gâchis)     

 

 

 *En 2008, Banksy a fondé le projet «Santa’s Ghetto» en réalisant des peintures sur le mur de Bethléem afin de redonner espoir aux habitants palestiniens. Notamment cette colombe, symbole de paix.