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09/03/2017

l'oeil & la plume... nous cherchons un peu d'amour

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texte de bruno toméra                                    Shirt Four©Betty Goodwin 1971

 

 

Nous cherchons un peu d'amour et de paix
Avant de rendre nos fringues au vestiaire du néant.
Nous cherchons un peu d'amour et de paix,
Sous le blanc sourire des pétales des cerisiers d'avril,
Sur les traces de rouge à lèvres de la bouche des siècles,
Caressant les cicatrices d'une autre chevelure contre nos épaules,
Dans l'alchimie du rêve des déments,
Écoutant swinguer le murmure envoûtant de l'univers,
Dans le cruel mensonge du non-dit des émotions.
Nous cherchons un peu d'amour et paix
Assis près d'inconnus sur les gradins de l'obstination,
Buvant le miroir liquide de verres d'alcool glacés,
Décodant le sens des mots effacés d'un amas de computers brisés,
Fatigués voyant les outils de l'usine rongés par notre sueur.
Nous cherchons un peu d'amour et de paix
Sous les luminaires neutres des stations d'autoroute,
Partageant l'affolement des oiseaux perdus des migrations,
près de magnifiques téléphones bleus aphones,
Guettant le moment d'hésitation de la plus sûre des vérités,
Abandonnant l'idée d'éternité dans les files d'attente des supermarchés,
Dans les mille identités des ombres passantes des rues.
Nous cherchons un peu d'amour et de paix
Dans les utopies merveilleuses brillantes des yeux de nos frères,
Espérant du confus chaos du réel.
Nous cherchons un peu d'amour et paix
Alignant des phrases imparfaites
Pour assembler les bouts de nous-mêmes
De l'éparpillement du monde

 

04/03/2017

l'oeil & la plume... Jim sans poches

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texte de fanny sheper                                                                                                                       ill. jlmi  2013
 

 

Pauvre gamin à l’audace à peine voilée

Qui se trimballe dans des rues tailladées,

Abusant joyeusement des éclats urbains de plastiques

Des drôles de légendes qui font planer.

Tes cauchemars sont dans les impasses et les arrières cours

Où des êtres profanes et maniérés te tendent la main.

La ville est généreuse mais cadenassée

Pour les mignons perchés comme toi.

Il te faudra t’injecter des baisers de douleurs

Si tu veux grandir comme les vieux.

Jeune prodige d’une aristocratie mal famée,

La jeunesse qui traînent dans tes poches

Est une image branlante sortie du puits organique.

Du puits organique des amants scabreux qui t’ont oublié au bar.

J’aimerais que le soir, des chansons enfumées de douceur

Viennent émerveiller ton âge de splendeur.

J’aimerais que tu puisses t’évader sur les vagues de la route

Galope, petit galopin aux grimaces d’ange 

Car ta sacoche est pleine de chandelles et de rêves

De chandelles et de rêves

Qui ne demandent qu’à  jouir de tout.

 

03/03/2017

l'oeil & la plume... mémoire de sable

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texte et photo   jlmi



Je suis là depuis des millénaires, je pourrais même dire depuis l’origine du monde. Pas le monde des hommes, si jeune, si puéril !

Non. Le monde minéral, celui de la concrétion d’après le grand barouf. Paf ! Boum !

Bien sûr, je n’avais pas la forme que j’ai aujourd’hui. Comme tous mes camarades de l’époque d’ailleurs. Nous étions tous très... unis. Nous étions même inséparables !!! Puis le temps a fait son œuvre, il nous a séparés, aidé en cela par ceux d’entre nous dont la nature était d’être fluides et ceux qui, dans un tel état d’excitation pour se faire une place à la surface, atteignaient la fusion avant de rejoindre les grands courants ascendants du magma.

Enfin, tout ça est tellement loin que je ne me souviens plus bien de tous les détails. Toujours est-il que l’érosion m’a donné une vie propre, en cela qu’elle m’a permis de voyager en banc de myriades de grains assemblés pour de grandes transhumances conduites par l’eau ou le vent.

Aujourd’hui, je m’étale en une longue et belle plage blanche et rose  entourée de mes parents chenus, ces somptueux blocs de granit rose aux formes arrondies que vous ne pouvez manquer d’apercevoir lorsque vous venez me rendre visite. Dans leurs jeunesses, vous auriez dû les voir, hauts et pointus, défiant le ciel et ses nuées. Plus de dix mille mètres. C’était quelque chose. J’avoue que maintenant ils font bien leur âge, ils souffrent d’arénisation. Tant mieux d’ailleurs ! Sans cela je ne serais pas là !!! Je m’égare, excusez moi, mais je n’ai que ça à faire…

Donc, je suis là. Sur la côte nord de la Bretagne, dans ce pays appelé France. Chaque jour, par deux fois, la mer vient me baigner, en douceur, souvent avec tendresse, vague après vague. Sauf quand elle est en colère bien sûr. Alors ces jours là, ça déménage, passez moi l’expression. Elle me brasse, me masse, me malaxe, me pitrouille, me papouille, me tourne et me retourne avant de m’abandonner hors d’haleine et trempée. Heureusement, j’ai plusieurs heures pour m’en remettre. Et puis elle n’est pas souvent furieuse deux fois de suite. Il faut bien lui reconnaître ça. Un autre avantage que j’ai omis de vous conter : la mer supprime toutes mes imperfections. Elle me retend la peau même si elle me laisse ici ou là des petits bourrelets, des ripple-marks dit-on je crois.  Enfin, c’est ma thalasso à moi !

Le vent aussi prend soin de moi. Il me sèche, peigne mes mèches de surface, les met parfois en désordre mais ses doigts sont si doux… Enfin c’est comme sa compagne. Quand elle est en boule, il l’est aussi. Je crois que dans tous les couples il y a ce genre de chose. Nul n’est parfait. Moi, je suis résolument célibataire, ouverte à toutes et à tous pour être plus juste…

La pluie aussi est une bonne compagne, mais passagère, irrégulière, quoique certains en disent sur ici. Bonne fille la pluie, elle s’adapte entre les grosses gouttes et la bruine, entre les averses – les grains – et le crachin. J’aime bien la pluie. Elle m’hydrate et me dessale un peu.

Ah ! et puis il y a le soleil. Lui aussi me sèche comme le vent mais en plus il me chauffe, tiédit ma peau, la blanchit ou la fait rosir. Un réel plaisir. Vous connaissez d’ailleurs, vous qui venez coucher avec moi, non ? C’est bien cela que vous venez chercher, bien plus que moi je le sais bien…

Tentez donc maintenant d’imaginer ce qu’aujourd’hui peut contenir ma mémoire. Disons sur les cent dernières années, c’est tout. Facile. La mémoire du sable.

Sa mémoire vous dites vous, mais elle a perdu le nord, c’est pas possible !

Mais si, c’est possible et je vais vous mettre sur la voie. Parce que c’est vous !

 

Lorsque vous arrivez juste après mon bain, ma peau est lisse, souple et tendre. Puis, vous marchez, vous courez, vous jouez au ballon, vous me percez de vos parasols et de vos tentes, vous laissez vos enfants me trouer, me couvrir de ces pustules qu’ils appellent châteaux, vous me ratissez pour soi disant pêcher, vous laissez vos chiens me salir, ( je n’ai pas de caniveau dites-vous ? Curieuse réaction lorsque l’on connaît vos trottoirs à ce que je me suis laissé dire… poursuivons…), vous faites rouler vos char à voile, vous traîner vos bateaux ou vos planches à voile… Certains soirs même, vous venez vous aimez, un bain de minuit dites vous, mon œil ! Enfin, c’est mieux que de venir picoler ou se shooter…

Beaucoup d’entre vous me laissent leurs détritus et ça, c’est pas sympa. Du coup vous faites venir des herses pour me nettoyer mais en même temps ces monstres énergivores détruisent tout le petit monde vivant que j’héberge car vous n’êtes pas les seuls sur Terre, vous n’avez jamais été les seuls et c’est tant mieux, sinon ce serait tout bonnement invivable. Même vos cargos me dégueulent dessus de plus en plus souvent. Le pétrole, ça on vous le dit. Ça vous touche. Ça fait de l’audience, il y en a pour des jours et des jours à me voir engluée et nauséabonde, pleine de cadavres d’oiseaux, et seulement quelques uns d’entre vous se débattant avec toute cette merde ( oh pardon !)… Mais ce n’est pas tout. Il n’y a pas que le pétrole. Tenez, la dernière fois, c’était une cargaison d’ananas. Bien sûr dit comme ça, ça prête à sourire. Moi, ça me donne envie de chialer !

Et ces derniers temps tout ça empire malgré tous les signaux d’alarme que nous vous envoyons avec mes camarades des quatre coins du globe. Surtout celui de la calotte et il y met le paquet. Tâchez de vous en souvenir à l’heure de l’apéro – avec ou sans alcool - quand vous agitez vos glaçons dans vos verres…

Enfin, vous n’êtes que des humains, on ne peut pas trop vous en demander, ça, on l’a compris depuis longtemps… Mais de vous à moi - car vous pouvez êtes sympa quand même - à faire les cons comme ça, vous allez disparaître, mais nous, même blessés, abîmés, saccagés, défigurés nous serons toujours là avec tout le temps devant nous pour nous refaire une beauté, pensez, sur un million d’années…

Allez, même si c’est grave, nous resterons en relation. Mes camarades et moi nous ne sommes pas rancuniers. Ni rapporteurs d’ailleurs. Car si je vous disais tout…

Enfin réfléchissez.

Ou plutôt, agissez !