Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/03/2019

l'oeil & la plume... chant funèbre sans musique

edna millay.jpg
texte de Edna St. Vincent Millay                 photo x in the early 1930s

 

 

 

Je ne suis pas résignée à l’enfermement de ceux que j'aime dans la terre lourde.

Mais c’est ainsi, et ce sera toujours ainsi, comme ça l’a toujours été :

Ils s’enfoncent dans les ténèbres, le sage comme la belle. Couronnés

De lys et de lauriers ils s’en vont ; mais je ne suis pas résignée.

 

Amoureux et penseurs, dans la terre avec toi.

Soyez un avec la poussière terne, la poussière aveugle.

Un fragment de ce que tu as ressenti, de ce que tu savais,

Une formule, une phrase subsiste, mais le meilleur est perdu.

 

Les réponses rapides et sincères, le regard honnête, les rires, l’amour,-

S’en sont allés. Ils s’en sont allés nourrir les roses. Élégante et abondante

Sera leur floraison. Et parfumée. Je sais. Mais je ne suis pas d’accord.

La lueur de tes yeux était plus précieuse que toutes les roses du monde.

 

Ils s’enfoncent encore et encore dans l’obscurité de la tombe

Doucement ils s’en vont, la magnifique, le tendre, la gentille ;

Discrètement ils s’en vont l’intelligente, le spirituel, la courageuse

Je le sais. Mais je ne suis pas d’accord. Et je ne suis pas résignée.

 

trad jlmi+cg  2019

 

Dirge wthout music

 

I am not resigned to the shutting away of loving hearts in the hard ground.

So it is, and so it will be, for so it has been, time out of mind:

Into the darkness they go, the wise and the lovely.  Crowned

With lilies and with laurel they go; but I am not resigned.

 

Lovers and thinkers, into the earth with you.

Be one with the dull, the indiscriminate dust.

A fragment of what you felt, of what you knew,

A formula, a phrase remains,—but the best is lost.

 

The answers quick and keen, the honest look, the laughter, the love,—

They are gone.  They are gone to feed the roses.  Elegant and curled

Is the blossom.  Fragrant is the blossom.  I know.  But I do not approve.

More precious was the light in your eyes than all the roses in the world.

 

Down, down, down into the darkness of the grave

Gently they go, the beautiful, the tender, the kind;

Quietly they go, the intelligent, the witty, the brave.

I know.  But I do not approve.  And I am not resigned.

 

 from The Buck in the Snow and Other Poems. Copyright © 1928

 

 Edna St. Vincent Millay

 

 

18/03/2019

l'oeil & la plume... complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment III )

casbah IIIsépia.jpg
texte de ismaël ait djafer  1951                                                             collage jlmi  2014
 
 

Mais ils l'ont dit

Il faut des hommes forts pour une nation forte...

Il ne faut pas courir après deux souris blanches...

Il faut être un roseau pensant...

Essuyez vos pieds avant d'entrer...

La chose est au fond du couloir

A moi comte, de deux mots il faut choisir le moindre

La naissance précède l'existence.

 

Ave Maria... morituri te salutant...

Vogue la galère

 

Evidemment... Evidemment.

 

EVIDEMMENT....

 

En 1944

Charlemagne,

Mes vers embouchaient des trompettes victoriennes.

Quand vous verrez un pauvre, affalé comme un mort,

A la pitié du nombre, en vain montrer sa face

Oh... Songez un instant à la terrible angoisse

Des vivants emmurés dans les cachots du Sort.

Les nuits sont fraîches au Canada...

Mais comme c'est plus facile

Plus vrai

De dire avec mes mots de tous les jours

Regarde

Regarde cette procession de têtes de pie sans vie avec

Leurs bidons de soupe, leurs bâtons d'olivier et leurs

Bâtons blancs

De la société

Protectrice des animaux domestiques

Ou pas,

Avec leurs boîtes de fer blanc, leurs chiffons, leurs

Burnous pourris, leurs chéchias pourries, leurs yeux

Pourris, leur démarche de macchabées, leurs pieds nus.

Leurs salles à manger, leurs courant d'air, leurs haïks

En portion de six comme la vache qui rit ou la vache

Sérieuse, leurs enfants, leurs cordes à noeuds, leurs

Cheveux, leurs pinces à linge modèle breveté S.G.D.G.,

C.Q.F.D., A.B.C.D., leur crâne rasé comme à

Barberousse, leur cou sale, les mots qu'ils marmonnent

Les jours pluvieux,

A bas l'hémistiche!

L'hémistiche est mort! Vive le Roi!

Au poteau!

Au piqué avec un bonnet d'âne et une veste de velours

Plus facile de dire

Avec la tristesse serrant ma gorge

A n'importe qui

Au Président de l'Assemblée Algérienne

A celui de l'estudiantina de Bab-el-Oued

A celui du club du chien de défense et de berger

Aux enfants de Marie

A Zorro, l'homme au fouet et son cheval Médor :

La charité pour mes frères qui ont faim

 

 

(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié  par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).

 

Source   http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...

 

17/03/2019

l'oeil & la plume... complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment II )

casbah IIsépia.jpg
texte de ismaël ait djafer  1951                                                                         collage jlmi  2014

 

 

Deux heures de minutes de silence

A la mémoire des morts de faim

A la mémoire des morts de froid

A la mémoire des morts de sommeil

A la mémoire des morts fauchés

Et une minute papillon je t'en prie après vous, je vous en prie.

 

A la mémoire aussi

Des morts vivants, ni trop morts ni trop vivants

Qui sont encore

Vivants

Faute de mieux.

 

Un jour

Dans les rues de ma Casbah

Je me suis mis à compter les pauvres

Les gueux dénombraient leur vermine

Puces, poux, punaises emballage compris

In n'y a qu'un soleil pour tous

Pour les Américains et pour les Cannibales.

Mais les pauvres ne savaient pas

Compter

Et moi

J'avais la flemme de le faire

 

Car

Au fond, Charlemagne, je m'en fiche

Moi

De tous les crétins, les miteux, les pouilleux, les

Dégueulasses, les infirmes, les crevettes, les malheureux

Les ivrognes, les camemberts, les truands, les tordus,

Les sourds-muets

Et tous les autres, les gros et les maigres

Du moment

Que je peux plus acheter à la Petite Source

En chipant la salière et le pot de moutarde

Mon cornet de frites

Pour le manger

Rue de l'Ancienne Comédie et puis Rue de Buci...

 

L'absurde complainte de mes frères

L'absurde appel aux coeurs généreux

Seigneur, regardez-les

Donnez-leur leur caviar quotidien.

N'oubliez pas aussi

Leurs enfants

Ils ont besoin d'aller au cinéma.

Mais le ventre plein les enfants de Charlemagne

Chantent une chanson

Une chanson qu'on apprend à l'école :

 

Il était un

Petit navire (bis

Qui naviguait je ne sais plus comment

Ohé...

Ohé...

 

 

(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié  par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).

 

Source   http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...