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18/03/2019

l'oeil & la plume... complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment III )

casbah IIIsépia.jpg
texte de ismaël ait djafer  1951                                                             collage jlmi  2014
 
 

Mais ils l'ont dit

Il faut des hommes forts pour une nation forte...

Il ne faut pas courir après deux souris blanches...

Il faut être un roseau pensant...

Essuyez vos pieds avant d'entrer...

La chose est au fond du couloir

A moi comte, de deux mots il faut choisir le moindre

La naissance précède l'existence.

 

Ave Maria... morituri te salutant...

Vogue la galère

 

Evidemment... Evidemment.

 

EVIDEMMENT....

 

En 1944

Charlemagne,

Mes vers embouchaient des trompettes victoriennes.

Quand vous verrez un pauvre, affalé comme un mort,

A la pitié du nombre, en vain montrer sa face

Oh... Songez un instant à la terrible angoisse

Des vivants emmurés dans les cachots du Sort.

Les nuits sont fraîches au Canada...

Mais comme c'est plus facile

Plus vrai

De dire avec mes mots de tous les jours

Regarde

Regarde cette procession de têtes de pie sans vie avec

Leurs bidons de soupe, leurs bâtons d'olivier et leurs

Bâtons blancs

De la société

Protectrice des animaux domestiques

Ou pas,

Avec leurs boîtes de fer blanc, leurs chiffons, leurs

Burnous pourris, leurs chéchias pourries, leurs yeux

Pourris, leur démarche de macchabées, leurs pieds nus.

Leurs salles à manger, leurs courant d'air, leurs haïks

En portion de six comme la vache qui rit ou la vache

Sérieuse, leurs enfants, leurs cordes à noeuds, leurs

Cheveux, leurs pinces à linge modèle breveté S.G.D.G.,

C.Q.F.D., A.B.C.D., leur crâne rasé comme à

Barberousse, leur cou sale, les mots qu'ils marmonnent

Les jours pluvieux,

A bas l'hémistiche!

L'hémistiche est mort! Vive le Roi!

Au poteau!

Au piqué avec un bonnet d'âne et une veste de velours

Plus facile de dire

Avec la tristesse serrant ma gorge

A n'importe qui

Au Président de l'Assemblée Algérienne

A celui de l'estudiantina de Bab-el-Oued

A celui du club du chien de défense et de berger

Aux enfants de Marie

A Zorro, l'homme au fouet et son cheval Médor :

La charité pour mes frères qui ont faim

 

 

(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié  par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).

 

Source   http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...

 

17/03/2019

l'oeil & la plume... complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment II )

casbah IIsépia.jpg
texte de ismaël ait djafer  1951                                                                         collage jlmi  2014

 

 

Deux heures de minutes de silence

A la mémoire des morts de faim

A la mémoire des morts de froid

A la mémoire des morts de sommeil

A la mémoire des morts fauchés

Et une minute papillon je t'en prie après vous, je vous en prie.

 

A la mémoire aussi

Des morts vivants, ni trop morts ni trop vivants

Qui sont encore

Vivants

Faute de mieux.

 

Un jour

Dans les rues de ma Casbah

Je me suis mis à compter les pauvres

Les gueux dénombraient leur vermine

Puces, poux, punaises emballage compris

In n'y a qu'un soleil pour tous

Pour les Américains et pour les Cannibales.

Mais les pauvres ne savaient pas

Compter

Et moi

J'avais la flemme de le faire

 

Car

Au fond, Charlemagne, je m'en fiche

Moi

De tous les crétins, les miteux, les pouilleux, les

Dégueulasses, les infirmes, les crevettes, les malheureux

Les ivrognes, les camemberts, les truands, les tordus,

Les sourds-muets

Et tous les autres, les gros et les maigres

Du moment

Que je peux plus acheter à la Petite Source

En chipant la salière et le pot de moutarde

Mon cornet de frites

Pour le manger

Rue de l'Ancienne Comédie et puis Rue de Buci...

 

L'absurde complainte de mes frères

L'absurde appel aux coeurs généreux

Seigneur, regardez-les

Donnez-leur leur caviar quotidien.

N'oubliez pas aussi

Leurs enfants

Ils ont besoin d'aller au cinéma.

Mais le ventre plein les enfants de Charlemagne

Chantent une chanson

Une chanson qu'on apprend à l'école :

 

Il était un

Petit navire (bis

Qui naviguait je ne sais plus comment

Ohé...

Ohé...

 

 

(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié  par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).

 

Source   http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...

 

16/03/2019

l'oeil & la plume... complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment I )

casbah1950contrastcolorized.jpg
texte de ismaël ait djafer  1951                                                                                                      collage jlmi  2014
 

dédié à ceux qui n'ont jamais eu faim...

 

Poème / Préface/ Eclair / L'édition de ce / Poème / Est le résultat d'une / Mendicité / Publique. / C'est le suc des / Herbes / de la / Misère / Macérées dans une boite de fer blanc ramassée dans la / Rue.../ Buvez-le.. ce suc.

Foule

Particulier

Auditoire

Spectateurs

Badauds

Lecteurs

 

Je lève

Mon verre plein de sang

à

La santé

de ceux qui sont en bonne santé

 

Je le lève

Et je le casse

Rageusement sur le comptoir

De ma colère

Et

J'en triture les tessons

Rageusement...

Entre mes doigts pleins de

Sang...

 

La complainte,

Voilà

Il faut aussi

Que j'aie toute ma tête à moi

Tout seul

Et pour toute la

Nuit...

Viens, Charlemagne

Je vais te dire un poème

 

Comme j'en disais hier encore

Au Quartier...

 

Je disais...

Mais il faut que je réfléchisse

Que je sois froid

Comme un cadavre

Celui de la petite Yasmina.

 

Je disais.

J'ai faim et je m'en fiche

J'a i sommeil et je m'en fiche

J'ai froid et je m'en fiche

Il y a des joies terribles

A gratter du papier

A deux heures du métro.

Bar du matin

Rue Dufour Paris

6ème

A 8000 kilomètres, il y avait la mer à boire

A boire et à manger le soir et le matin

Un coq à l'âne rôti

Avec mon copain Neptune

Avec mon copain Gitan

Avec mon copain Slim l'Américain

Qui avait trois doigts coupés

Avec mon copain Benny et ses yeux de Bozambo

Avec ma copine Nelly qui mangeait tout le temps

du sucre galvanisé pour les vitamines

K.

 

Mais tu sais

Charlemagne,

Il y a des gens qui disent j'ai faim

Et puis c'est tout.

Il y a des gens qui disent j'ai froid

Et puis c'est tout.

Il y a des gens qui disent j'ai sommeil

Et puis s'étendent sur le marbre

Des dalles

Des trottoirs

Des rues

Désertes...

Mais le ventre plein, les enfants de Charlemagne

Chantent une chanson.

Une chanson qu'on apprend à l'école.

 

Au clair de la lune

Mon ami Pierrot.

Prête-moi ta plume

Pour écrire un mot.

 

Les mains des pauvres

A la Casbah

Sont longues et maigres et tendues comme des racines

De pommes de terre.

La voix des pauvres

Est grêle

Et ils ont des yeux ronds

Et ils ont une sale gueule.

La gueule de Pépé le Moko quand il se casse rue du

Regard un jour de

Pluie

Au Musée Grévin.

 

Une minute de silence...

 

 

(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié  par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).

 

Source   http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...