12/05/2018
l’œil & la plume... la révolte [ extrait ]
La rage, elle a bondi de terre
Sur un monceau de pavés gris ;
La rage immense avec des cris,
Avec du feu dans ses artères ;
La rage, elle a bondi
Féroce et haletante
Et si terriblement
Que son moment d’élan vaut à lui seul le temps
Que met un siècle en gravitant
Autour de ses cent ans d’attente.
Tout ce qui fut rêvé jadis ;
Ce que les fronts les plus hardis
Vers l’avenir ont instauré ;
Ce que les âmes ont brandi,
Ce que les yeux ont imploré,
Ce que la sève humaine
Silencieuse a renfermé,
S’épanouit, aux mille bras armés
De ces foules, brassant leur houle avec leurs haines.
in les Villes tentaculaires 1895
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11/05/2018
l'oeil & la plume... le désespoir du singe
Il est à la fenêtre
dos à la lumière
Il lui demande
si elle s’ennuie
En bas, c’est la fête
des rires étouffés escaladent le mur
de sonnailles juvéniles et de faux carnavals
Il lui demande
si elle entend
Ce bonheur qui monte
agrippé aux lézardes
Si elle sent cette odeur
qui filtre entre les branches
Si elle aperçoit sous l’arbre
la jeunesse qui file
Si elle discerne au loin
les hormones qui passent
Dans les poignées de poils
cet impérieux trop plein
Il lui demande
Elle n’entend rien
que l’araucaria
qui dépiaute le monde
de ses épines tendres
Elle devine en cillant
son visage un peu mou
Sous les aiguilles fines
des humeurs assassines
Elle distingue le flot
de couleurs qui bavent
Et dans l’ombre qui baigne
la pièce de ses feuilles
elle sent sur sa joue
la virgule
Elle murmure
« Je suis vide comme une vieille seringue »
Il lui répond à contre-jour
« Pas que »
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10/05/2018
l'oeil & la plume... à la loupe tout est rituel (extrait)
Dans ce bureau là, on prend aussi une poche en papier pleine de haricots verts frais qu’on écosse, assise par terre, entourée de trois poules, qui mangent chacune leur tour le bout pointu du haricot. Recyclage immédiat et plein de charme, n’en déplaise aux urbains férus et invertébrés. Puis, après avoir mis les haricots à cuire à la vapeur douce, douce c’est important – les cocottes-minutes explosent les molécules de vos légumes, en détruisant saveur et bienfaits (rubrique le saviez-vous ?), nous reprenons le concerto pour marées et silence, là où on l’avait laissé. On le reprend pile poil sur un poème de Guy Chaty, de circonstances pourrait-on dire : l’envol. Pour cela, on a pris soin de déplacer la chaise longue de travail, là où le soleil déclinant pose, vous savez, cette lumière de miel transparente. Derrière moi les potimarrons font les malins et un buisson de mauve joue des transparences, émeraudes cette fois. Une des poules, Kâla, c’est son nom, vient de glousser de plaisir en passant devant moi. J’en suis tout émue. Ces pauvres poules ont peu de liberté maintenant, après un été de renards.
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