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12/05/2018

l’œil & la plume... la révolte [ extrait ]

penny-illustrated-17-june-1871.jpg
texte de émile verhaeren 1895                                                               ill : the penny illustrated paper 17 juin 1871
 

 

La rage, elle a bondi de terre

Sur un monceau de pavés gris ;

La rage immense avec des cris,

Avec du feu dans ses artères ;

La rage, elle a bondi

Féroce et haletante

Et si terriblement

Que son moment d’élan vaut à lui seul le temps

Que met un siècle en gravitant

Autour de ses cent ans d’attente.

 

Tout ce qui fut rêvé jadis ;

Ce que les fronts les plus hardis

Vers l’avenir ont instauré ;

Ce que les âmes ont brandi,

Ce que les yeux ont imploré,

Ce que la sève humaine

Silencieuse a renfermé,

S’épanouit, aux mille bras armés

De ces foules, brassant leur houle avec leurs haines.

 

in les Villes tentaculaires 1895

 

11/05/2018

l'oeil & la plume... le désespoir du singe

araucaria recadrcontrast.jpg
texte de murièle modély                                                                                         collage  jlmi  2014
 

 

 

Il est à la fenêtre
dos à la lumière

Il lui demande
si elle s’ennuie

En bas, c’est la fête
des rires étouffés escaladent le mur
de sonnailles juvéniles et de faux carnavals


Il lui demande
si elle entend

Ce bonheur qui monte
agrippé aux lézardes

Si elle sent cette odeur
qui filtre entre les branches

Si elle aperçoit sous l’arbre
la jeunesse qui file

Si elle discerne au loin
les hormones qui passent

Dans les poignées de poils
cet impérieux trop plein

Il lui demande


Elle n’entend rien
que l’araucaria

qui dépiaute le monde
de ses épines tendres

Elle devine en cillant
son visage un peu mou

Sous les aiguilles fines
des humeurs assassines

Elle distingue le flot
de couleurs qui bavent

Et dans l’ombre qui baigne
la pièce de ses feuilles

elle sent sur sa joue
la virgule


Elle murmure
« Je suis vide comme une vieille seringue »

Il lui répond à contre-jour
« Pas que »

 

10/05/2018

l'oeil & la plume... à la loupe tout est rituel (extrait)

poule_livre.jpg
texte de cathy garcia                                                                                                                     collage  jlmi  2013
 

Dans ce bureau là, on prend aussi une poche en papier pleine de haricots verts frais qu’on écosse, assise par terre, entourée de trois poules, qui mangent chacune leur tour le bout pointu du haricot. Recyclage immédiat et plein de charme, n’en déplaise aux urbains férus et invertébrés. Puis, après avoir mis les haricots à cuire à la vapeur douce, douce c’est important – les cocottes-minutes explosent les molécules de vos légumes, en détruisant saveur et bienfaits (rubrique le saviez-vous ?), nous reprenons le concerto pour marées et silence, là où on l’avait laissé. On le reprend pile poil sur un poème de Guy Chaty, de circonstances pourrait-on dire : l’envol. Pour cela, on a pris soin de déplacer la chaise longue de travail, là où le soleil déclinant pose, vous savez, cette lumière de miel transparente. Derrière moi les potimarrons font les malins et un buisson de mauve joue des transparences, émeraudes cette fois. Une des poules, Kâla, c’est son nom, vient de glousser de plaisir en passant devant moi. J’en suis tout émue. Ces pauvres poules ont peu de liberté maintenant, après un été de renards.