19/12/2017
l'oeil subtil... Edward Hopper
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18/12/2017
l'oeil & la plume... écrire pourtant
texte de cathy garcia illustration ©Banksy*
Je n’arrive pas à écrire quand le sang, le chaos, les cris,
Les hurlements obstruent toute pensée
Je n’arrive pas à écrire quand la honte et l’impuissance
Paralysent toute pensée
Je n’arrive pas à écrire quand tant d’autres meurent pour rien, assassinés
Palestine ou ailleurs, assassinés par le pouvoir et la cupidité
Par l’arrogance et la bêtise
Je n’arrive pas à écrire quand je regarde jouer mon enfant
Et que je l’imagine sous des décombres
En morceaux, la tête arrachée
Je n’arrive pas à écrire quand je sais que le mensonge
Le cynisme et l’indifférence règnent en maîtres
Je n’arrive pas à écrire car les mots me paraissent vides, creux
Incapables de panser des plaies, de rebâtir des maisons
De reconstruire des vies, d’effacer les cauchemars
Destruction totale de la dignité
Rien, RIEN, ne justifie un massacre
Mais humains nous le sommes tous
Et la douleur, l’injustice appellent vengeance
Et la vengeance appelle la douleur et l’injustice
Cercle vicieux donc nous ne sortirons
que par la reconnaissance du tort infligé à autrui
le combat contre l’ignorance
Je n’arrive pas à écrire parce que l’homme est la plus bestiale des bêtes
Et la plus lumineuse aussi quand il reçoit d’on ne sait où une étincelle de sagesse
Je n’arrive pas à écrire car les mots ne réparent pas la mort
Je n’arrive pas à écrire parce que les mots peuvent aussi devenir des bombes
Que je voudrais déverser sur bien des dirigeants de ce monde
J’ai honte
J’ai honte
J’ai honte
Le nom d’Homme me fait honte.
(extrait de Guerre et autre gâchis)
*En 2008, Banksy a fondé le projet «Santa’s Ghetto» en réalisant des peintures sur le mur de Bethléem afin de redonner espoir aux habitants palestiniens. Notamment cette colombe, symbole de paix.
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17/12/2017
l'oeil & la plume... avant les premiers frimas
Intermède estival avant d’immanquables jours d’hiver
texte de bruno toméra ill. d'après Natalie Frank
Nue, elle ne portait qu’un chapeau de paille
sur ses longs cheveux bruns,
elle écrivait à mon goût de mauvais poèmes de guéridon
derrière une astronomique baie vitrée
face au chemin communal,
à 49 ans elle était belle, le temps s’essoufflait à la rattraper.
Tous les hommes défilaient devant la très confortable masure,
des rabougris claudicants, des gamins rigolards,
des vieux schnocks aux mégots asphyxiés,
des coureurs de fond du dimanche au ralenti,
de romantiques ados émoustillés et graves,
de jeunes péquenots sur leur rutilant tracteur à cent millions,
un vrai boulevard.
Quand elle me prenait la tête
avec ses interrogations insipides & nostalgiques
du genre ‘’Pourquoi ce monde est-il si injuste ?’’
‘’ Mon existence a-t-elle un sens ?’’ ‘’Patati & patata ?...’’
je fonçais droit au bistrot du village
valider mon loto et me reteinter aux rouges limés.
Les sourires entendus des habitués du zinc
semblaient me dire qu’ils en savaient plus que moi
sur mon intimité et c’était peut-être vrai.
Bourré, je rentrais écouter ses dernières créations poétiques
sur le comment indigné du cela et le pourquoi vengeur du ceci, c’était pleurnichant.
Englué à la guimauve,
j’avais beau lui rabâcher qu’il n’y avait pas de réponse
dans le bric & le broc du monde,
tout au mieux on pouvait enjoliver une question
et si c’était toujours une question
ça prenait l’apparence d’une réponse dans la tête des crédules, l’esbroufe faisait tourner la vie depuis des lustres,
Darwin avait mis le doigt dessus
et dieu en était retourné jouer le représentant de commerce
dans un univers parallèle.
Elle me regardait fâchée & vexée,
je la prenais dans mes bras
et n’avait que l’effort de lui ôter son chapeau de paille.
Elle écrivait à mon goût de mauvais poèmes
mais elle baisait comme seule une poétesse sait le faire.
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