11/01/2018
l'oeil & la plume... mémoire de sable
Je suis là depuis des millénaires, je pourrais même dire depuis l’origine du monde. Pas le monde des hommes, si jeune, si puéril !
Non. Le monde minéral, celui de la concrétion d’après le grand barouf. Paf ! Boum !
Bien sûr, je n’avais pas la forme que j’ai aujourd’hui. Comme tous mes camarades de l’époque d’ailleurs. Nous étions tous très... unis. Nous étions même inséparables !!! Puis le temps a fait son œuvre, il nous a séparés, aidé en cela par ceux d’entre nous dont la nature était d’être fluides et ceux qui, dans un tel état d’excitation pour se faire une place à la surface, atteignaient la fusion avant de rejoindre les grands courants ascendants du magma.
Enfin, tout ça est tellement loin que je ne me souviens plus bien de tous les détails. Toujours est-il que l’érosion m’a donné une vie propre, en cela qu’elle m’a permis de voyager en banc de myriades de grains assemblés pour de grandes transhumances conduites par l’eau ou le vent.
Aujourd’hui, je m’étale en une longue et belle plage blanche et rose entourée de mes parents chenus, ces somptueux blocs de granit rose aux formes arrondies que vous ne pouvez manquer d’apercevoir lorsque vous venez me rendre visite. Dans leurs jeunesses, vous auriez dû les voir, hauts et pointus, défiant le ciel et ses nuées. Plus de dix mille mètres. C’était quelque chose. J’avoue que maintenant ils font bien leur âge, ils souffrent d’arénisation. Tant mieux d’ailleurs ! Sans cela je ne serais pas là !!! Je m’égare, excusez moi, mais je n’ai que ça à faire…
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parution
Revue Nouveaux Délits n°59, éclosion !
Eh bien voilà revenue l’année nouvelle ! Nous savons que ça ne veut pas dire grand chose, mais si ça peut nous permettre de nous sentir de même un tant soit peu neufs, décidés à laisser derrière nous le pesant et l’obsolète... Une nouvelle chance, un nouveau départ, un peu de poudre de perlimpinpin qui brille, une virginité en toc, un lustre qui disparaitra en deux coups d’éponge, mais quelques secondes de rêve, ce n’est pas rien, alors on ne va pas se les gâcher en faisant du mauvais esprit, surtout quand on s’appelle « Nouveaux Délits ».
Si la lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil, comme l’écrivait Char, alors elle est au soleil pendant que d’autres sont au bureau, aussi spacieux soit-il. Alors, fait-elle vraiment souffrir cette lucidité ? Et si elle était justement la garante du rêve ? Entre la transparence et l’opacité, il y a la beauté de la translucidité, ce qui n’est pas sans rapport avec la poésie.
Aussi, je vous invite sans plus de blabla à la découverte des poètes de ce nouveau numéro. Je les ai choisis avec mon meilleur mauvais goût, clin d’œil à de pauvres petites idées fixes et préconçues et donc pas très neuves, de ce qu’est, doit être et ne peut pas être la poésie. Ne cherchez pas, la poésie n’y est déjà plus ! Souhaitons-nous plutôt de tirer le meilleur jus de cette année inédite et de le boire en chantant à tue-tête. Soyons sérieux : rions beaucoup et aimons plus encore !
Bonne année 2018 à vous toutes et tous et que la paix ferme le bec des imbéciles qui ne laissent pas passer la lumière.
CG
La poésie n’est pas un art pur, indépendant. Elle n’est que révélatrice. La poésie n’a pas besoin d’être, c’est tout le reste qui n’est pas, sans elle.
Cathy Garcia in Qué wonderful monde
(Nouveaux délits, coll. Les délits vrais éd. 2012)
AU SOMMAIRE
Délit de poésie dans l’irrespect total de la parité (mais c’est LA poésie) :
Pénélope Corps
Benoit Arcadias
Jean-Louis Millet avec six fragments de Psychorama holographique
Marc Guimo et des extraits de sa Réalité dispersée
Pablo Gelgon
Résonances :
Civilisé de Walter Ruhlmann, Urtica 2017
J’écris des poèmes de Murièle Modély, Éd. du Cygne, 2017
Délits d’(in)citations, petits flocons mignons qui fondent au coin des pages.
Vous trouverez le nouveau bulletin de complicité au fond en sortant, il est en tout point pareil que l’ancien, en digne résistant à la hausse des tarifs postaux.
Illustrateur : Arnaud Martin
http://www.arnaudmartinpeintre.com/
L’homme d’Osa
Il descendait de la montagne,
il rentrait chez lui,
on lui a fait traverser le fjord
depuis Osa jusqu’à Öydvinstö.
Il avait la main ouverte,
il a offert de payer.
Mais l’homme d’Osa
Ne voulut rien entendre.
– Je veux payer ;
j’habite trop loin
pour te rendre la pareille.
– Eh bien, rends service
à un autre homme,
dit l’homme d’Osa,
et il reprit les rames.
Olav H. Hauge
in Nord profond
Et toujours de la poésie À ÉCOUTER (et autres délires vocaux) sur http://cathygarcia.hautetfort.com/donner-de-la-voix/
et sur la chaîne youtube Donner de la voix.
Du fait maison avec les moyens et la technicienne du bord, pour le plaisir et le partage.
Nouveaux Délits - Janvier 2018 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable : Cathy Garcia Illustrateur : Arnaud Martin Correcteur : Élisée Bec http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com
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10/01/2018
l'oeil & la plume : Uluru
ULURU
or what says the didjeridoo
You have a Uluru dreaming The mountain painted red For the world’s corroboree
You whom naked forefathers And untraceable souls Dream into being into shape
Into this trancelike sleep The oblivion of death
You are Uluru’s dream-one The holy mountain round Like the sun’s eye on The dead centre of the desert
And the moon in the cold Unwinking nights of The universe
Back when the borderless Deep dreamed Uluru Pregnant with aeons and ages
You are the splinter of glass From the mirror whereto The dead ones have gone To ground who blindly Dream you up
Musing their time away Into the mirror of mirrors Where the fables of nothing Ness are all made up
You are this likeness of A shape which absence Has been hollowing out Of the smouldering fire And the heavenly bodies Spreading out into a womb
You are the shadow of The shadow of one night Like sand blossoming Instantly under a stray Shower and like ozone In the wake of lightning
Uluru has dreamed you Into being
Now you are dreaming Of Uluru
Back here in Paris where Man weighs too lightly Ever to dream The long-suffering stone Dreams
Out there on the grey dry Island Uluru lies sleeping
And here you lie asleep Inside Uluru the bearer Mother of the coppernail Seeds of the sunsets Across which you toss A fretful shadow
Out there on the great rock Where you are not a thing Apart but an unsevered Length of the umbilical Chord of aeons as they go
Out there Uluru lies sleeping Out your part of the founding Covenant dreaming up The main point
And its navel is a starry tunnel To the all-soul of matter And the moist eye of love
Listen you here in Paris Where man has gone so deaf That he needs books to throw As life-belts into the din
Listen you To what the didgeridoo Is saying over there
As the man with his skin Painted red for the seminal Dance of the days
Tears out of the throat deer- Like the deep mellow bell And his breath spurts out Like sperm into sound
Listen you for the evenly Pounded beat of the feet Of your brothers and sisters In the lineal moving band
And for the dust settling Back silently upon their Footprints one galaxy To the next like drums
As the drummers of light Call each other out across The forest of darkness
Uluru is within you and you Are within the Uluru dreaming
In the native emptiness That chaos first dreamed up Out of nothingness Here then in Paris where the sky Is a back drop to the beauty Of women and the air a sort of Plinth to flaunt the champions Of thrills
Hear deep inside the song of Uluru whose dream is both The manly thrust And the eternal egg-cell Of each moment
For Uluru dreams their dreaming Whom the spark of love Has made lighter than the iron- Clad warrior hampered with The armour of his own death And by his own frail knees
And so you nurse the thought of Uluru right here in Paris In the tree stirring under a flock Of starlings In a tomcat’s old wireless As the purrs in the sun
Or in the scarf of mist Around the neck and down The asphalt shoulder of the city
Uluru crops up wherever men Dream of setting back to nought The scores of hatred
The dead died for failing to do so
You are Uluru’s dream who saw live Being born Like the faint wisps of recollection Of a dream you just woke out of And go on to tell the next man
Right here in Paris in Uluru’s Aboriginal memory You are as naked when you love
As the reflection that flits across The window-panes
And the cloud-one dancing On the Seine
Then you tell yourself you are Uluru
Your penis is the didgeridoo And your skin and the painted caves Of your soul Echo That same sound and song Recognized from beyond memory
English translation by Daniel De Bruycker |
ULURU
ou ce que dit le didjeridoo
Tu as le rêve d'Uluru La montagne peinte en rouge Pour la danse rituelle des mondes
Toi que des ancêtres nus Et des âmes sans corps Rêvent et envisagent
Pour être dans les transes du sommeil Et non dans l'oubli de la mort
Tu es le rêver d'Uluru Montagne sainte et ronde Comme l'œil du soleil Au milieu de désert
Ou la lune par les nuits Froides et sans paupières De l'univers
Quand l'abîme sans bord A rêvé qu'Uluru Serait enceinte des cycles et des âges
Tu es l'éclat de verre Du miroir où se cachent Les défunts Qui te rêvent Sans voir
Eux qui songent Au miroir des miroirs Où se sont engendrés Les mensonges du rien
Et l'image d'un corps Que l'absence A creusé Dans les débris du feu Et la fuite Utérine des astres
Tu es l'ombre De l'ombre d'une nuit Comme soudain Fleurit le sable Sous l'averse ou l'ozone A la suite de l'éclair
Uluru T'as rêvé
Et tu rêves Uluru
Ici à Paris Où les hommes pèsent si peu Qu'ils ne rêvent jamais Les longs rêves patients De la pierre
Là-bas dans la grande île sèche Uluru dort
Et tu dors Dans Uluru la porteuse Maternelle de l'ocre semence Des crépuscules Où tu agites Ton ombre
Là-bas sur la Grande Terre Où tu n'es pas quelque chose D'isolé mais un morceau non détaché Du cordon ombilical Des millénaires en cours
Là-bas Uluru dort à ta place et remplit le contrat initial de rêver l'essentiel
Et son nombril est un tunnel d'étoiles Vers l'âme unique de la matière Et l'œil humide de l'amour
Alors écoute ici à Paris Où les hommes sont tellement sourds Qu'ils ont besoin de livres comme des bouées qu'on lance dans le bruit
Ecoute Ce que là-bas Dit le didjeridoo
Quand l'homme à la peau Peinte en rouge Pour la danse féconde des jours
Arrache de sa bouche Le grand brame doux Et la giclée sonore Du sperme de son souffle
Ecoute ce que disent Les talons bien rythmés De tes frères et soeurs Dans la chaîne de la genèse
Et la poussière qui retombe En silence sur leurs pas Comme d'un tambour à l'autre Des galaxies
Quand les tambourinaires de la lumière Se répondent par-dessus La forêt des ténèbres
Uluru est en toi Et tu es dans le rêve d'Uluru
Dans le sommeil des origines Et du vide Que rêve le chaos Alors ici à Paris où le ciel est un socle A la beauté des femmes Et l'air un pavois où hisser Les héros Du frisson
Ecoute en toi la chanson d'Uluru Dont le rêve Et la force virile Et l'ovule éternelle De l'instant
Uluru dort du rêve de ceux Que l'étincelle d'aimer A rendu plus légers que l'hoplite Embarrassé par l'armure De sa mort Et la fragilité des genoux
Alors tu poses la pensée D'Uluru ici à Paris Dans l'arbre qui s'ébroue Sous un vol d'étourneaux Dans le vieux transistor d'un matou Qui ronronne au soleil
Ou l'écharpe de brume Autour du cou et sur les épaules En bitume de la ville
Uluru est partout Où l'on rêve de remettre Le compteur de la haine à zéro
Car les mots sont morts de ne pas l'avoir fait
Tu es le rêve d'Uluru Qui a vu naître la vie Comme un rêve dont celui qui s'éveille Se souvient vaguement Et raconte des bribes au suivant
Ici à Paris Dans la mémoire Aborigène d'Uluru Tu es aussi nu lorsque tu aimes
Que le reflet qui passe dans les vitres
Où le nuage danse Sur la Seine
Alors dis-toi Que tu es Uluru
Que ton sexe Est le didjeridoo Que ta peau Et les grottes peintes De ton âme Résonnent Des mêmes sons Reconnus immémoriaux
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