26/01/2018
l'oeil & la plume... à la loupe tout est rituel (extrait 1)
Il nous faut changer de cap, lâcher du lest, faire face aux vraies peurs masquées par les fausses, les peurs conformes, les peurs induites, celles qu’il est bon d’avoir même si on ne les a pas. Il nous faut embarquer vers l’inconnu, sans rives, sans repère. Ne rien projeter, ne rien regretter, s’ouvrir à l’espace infini de l’instant, desserrer les vis, libérer, par le souffle paisible, nos viscères, admettre que l’on ne sait rien de l’amour.
Je frotte mes ailes de cigale, ventre contre terre, fesses solaires. J’ai tellement retourné les mots en tous sens, goûté leurs chairs, sucé leurs os, il y en a peu finalement qui apaisent ma faim. Je cherche l’au-delà des mots, la sensation pure, violente parfois, une pénétration totale par un sans-nom à quoi on a donné tant de noms en vain. Un vide en moi, immense, qui provoque un appel d’air. Y tournoient le cosmos et toutes ses galaxies, je suis absolument et invraisemblablement creuse à l’intérieur.
Les mots fuient de toutes parts, explosent, se dispersent, se reforment. Un creuset d’énergie où je disparais, ne faisant plus qu’un avec ce vertige de l’indicible. Alors, décider ? Mais décider de quoi ? Je m’ouvre et ne peux rien décider. Seulement accueillir.
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25/01/2018
l'oeil & la plume... nous n'avons pas fêté ton anniversaire
nous n'avons pas fêté ton anniversaire
j'avais pourtant mis du champagne au frais
nous avons mangé petit, nous avons parlé léger
nous avons ri un peu, moi d'un côté, toi de l'autre
chacun devant la table, à couper dans l'assiette
la soirée tranquille en tranches
sans autre fioritures
pas de caresses
pas d'embrassades
le quotidien lové dans nos chaussures
et pourtant demain quand tu te lèveras
tu penseras : "tiens,
hier j'ai passé un cap,
et elle est toujours
là"
*
ce que j'aime, vois tu,
c'est cet affaissement
mon sein, ton ventre
nos chairs qui ramollissent
qui se mêlent au lit
comme cire fondue
*
je nous vois
sacs d'os lourds
côte à côte maillant
les boucles du passé
(faut bien tuer le temps)
je nous vois
sourds et vieux
taillant le bout de gras
sur nos gencives nues
*
nous n'avons pas fêté
nous ne sommes pas hier
demain n'a pas de sens
le temps file à travers
nous sommes toujours
là
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24/01/2018
l'oeil & la plume... le p'tit Cardo
Pour Alfonso Cloete & Velencia Farmer
Ils ont dit que c’était l’homme blanc que je devais craindre
Mais ici ce sont les miens qui commettent les massacres
Tupac Amaru Shakur
Lorsque Cardo est né
personne ne l’attendait
sa mère avait seize ans
son père était l’Animateur de Quartier de l’Année
sa grand-mère était caissière et son grand-père, enfin, le mari de sa grand-mère, buvait pour oublier la douleur
Cardo était un beau p’tit gars
à la peau brune et aux yeux clairs
assez beau pour parler anglais
il aimait jouer dans la rue
aux trois bâtons et à la chandelle
Pour Tantie Gawa dans sa camionnette
Cardo était un petit ange tombé du ciel
La veille de son premier jour
à la grande école
les School Boys ont lancé des pétards dans la rue
Cardo est allé voir à la fenêtre
la balle s’est fichée dans sa gorge
sa mère n’a pas pleuré
quant aux politiciens ils ont planté un arbre
que le vent d’est a emporté
et jeté là où gisent
tous les autres rêves du Cap –
dans les marécages des Capes Flats
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