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22/03/2014

l'oeil & la plume : épitaphe

encre 02.jpg
texte de gert vlok nel                                                    encre de isabelle le gouic 
 

 

La nuit dernière je rêvais que je revivais en 1975, la dernière année

où j’ai été heureux. Puis j’ai descendu l’escalier & je me suis

versé de l’eau dans la cuisine la maison était si tranquille.

Les meilleures années s’en sont allées. Bon, & puis j’ai rêvé qu’un

jour je vivrais aussi loin que possible de 1998.

 

L’année dernière je rêvais que je revivais dans mes

beaux mots à moi dans le plus beau des villages & que je

commençais à retrouver la santé. Puis je me suis éveillé soudain &

quelque chose n’allait pas j’étais si perdu je n’étais plus dans ma propre maison.

Les mots les plus beaux s’en sont allés. Bon, & puis

j’ai rêvé que j’allais vivre dans une langue aussi loin que possible

de l’Afrikaans.

 

Dans mon adolescence, j’ai eu une fille plus belle que

l’Afrikaans toute la nuit elle pouvait faire danser mon cœur en peine

& elle fut en quelque sorte la dernière danse de Gert. Et puis elle a rêvé

qu’elle allait vivre dans un corps aussi loin que possible du mien.

L’amour  le plus beau s’en est allé. Bon, puis j’ai rêvé que

j’étais allé vivre près de son corps aussi loin que possible du mien.

 

Quelque part j’ai rêvé que j’assistais à mes propres funérailles

& Papa était là & Maman était là & tous mes amours comme dans

mes années les plus heureuses. Mais le meilleur ce fut

que je me suis baissé vers le sol & que j’ai baisé ma propre bouche.

Les rêves les plus beaux s’en sont allés. Bon, puis j’ai rêvé

que j’allais vivre dans un rêve aussi loin que possible

d’ici & maintenant.

 

La nuit dernière j’ai rêvé que je revivais en 1975, la dernière année

où j’ai été heureux. Puis j’ai descendu l’escalier & je me suis versé

de l’eau dans la cuisine la maison était si tranquille.

Les meilleures années s’en sont allées. Bon, & puis j’ai rêvé

que j’allais vivre dans un pays aussi loin que possible de l’Afrique du Sud.

& puis j’ai rêvé que j’allais vivre dans un pays aussi

loin que possible de l’Afrique du Sud.

 

 

 

Traduction Katia Wallisky et Denis Hirson

 

dans Pas de blessure, pas d’histoire, anthologie de la poésie sud-africaine 1996-2013, Maison de la poésie Rhône-Alpes et Biennale internationale des poètes en Val de Marne, 2013

 

 

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