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20/02/2017

le ciseau & la plume... le pauvre chantre immortel

Sculpture poétique de jlmi sur les dialogues des Ailes du désir    

de Wim Wenders    

 

ailes2.jpg
                                                                                                                                    illustration jlmi  2011

 

 

Pour abolir l’éternité

tu butes sur tes couleurs.

Mettre à part les couleurs.

Dans une aquarelle de Paul Klee ?

 

Quand commence le temps ?

Au lieu de savoir, deviner, simplement.

Laisser survenir le lever du bord du monde avec ses propres mots.

Ne plus penser à rien, voir les visages.

Juste voir les visages ; saisir peu de chose.

A l’intérieur des yeux fermés, fermer encore les yeux.

Alors même les pierres se mettent à vivre

dans les taches des premières gouttes de pluie.

 

La belle inconnue d’Albert Camus,

comme le monde, paraît se noyer dans le crépuscule.

des troubles du présent.

C’en est fini du Grand Souffle,

du Va et Vient

de l’épopée de la Paix.

L’Humanité perd son enfance.

Où sont les miens, les obtus ?

Ceux des origines ?

 

Le pauvre chantre immortel

sur le seuil du no man’s land

se serait occupé de moi

mouche enfermée dans l’ambre

sans exiger de droit de passage

entre les lignes du terrain vague

C’est débile d’accord

mais ça aussi c’est débile…

«  Viens, je vais te montrer autre chose »

Pourquoi tes pensées s’égarent-elles ?

Le soir tombe dans ma tête. La peur…

Arrêter ce rêve pas encore rêvé

 

Les rondes, les signes et l’écriture jaillie du cercle…

Seules les flaques du présent frémissent

Seules les traces les plus anciennes mènent plus loin

 

Tu dois trouver seul,

c’est ce qu’il y a de beau !

Marcher et voir. Lever les yeux et devenir le monde.

 

Il était une fois… et donc il sera

pauvre chantre immortel…

car ils auront toujours besoin de toi plus que rien au monde

 

oOoOo

19/02/2017

l'oeil & la plume... l'instant d'avant, l'instant d'après

instantavantaprès.jpg
texte de isabelle le gouic                                                                                                photomontage jlmi  2013
 

L'instant d'avant, l'instant fuyant,

Celui qui fugue incidemment,

L'instant qui file comme l'anguille,

Et moi docile qui le comprends.

 

L'instant d'après, l'instant qui vient,

Celui qui est et qui advient,

L'instant qui suit, que l'on poursuit,

Et moi qui suis et qui deviens.

 

L'instant à vivre, l'instant vivace,

Celui à suivre, celui qui passe,

L'instant de vie qui donne envie,

Et moi ravie qui lui fais face.

 

L'instant qui court, jamais à court,

Celui du jour, crin ou velours,

L'instant de feu, l'instant de glace,

Et moi, tenace, j'en veux toujours.

 

L'instant qui glisse, l'instant qui crisse,

Celui qui lisse ou qui hérisse,

L'instant délice, l'instant malin,

Et moi qui crains l'instant caprice.

 

L'instant colère, l'instant qui serre,

Celui qui blesse, nous met à terre,

L'instant qui cesse, l'instant qui prive,

Et moi, naïve, qui laisse faire.

 

L'instant venu, cet inconnu,

Celui qui prend au dépourvu,

L'instant qui ment, l'instant qui leurre,

Et moi à l'heure de l'imprévu.

 

L'instant d'avant, l'instant fuyant,

Celui qui fugue furtivement,

L'instant qui tisse les regrets,

Moi qui les crée, incidemment.

 

L'instant d'après, l'instant qui vient,

Celui qui est et qui advient,

Celui qui glisse entre les doigts,

Et moi qui broie mes lendemains.

 

L'instant d'avant, l'instant d'après,

Celui qui est et qui était,

L'instant offert comme un présent,

S'il en est temps, je le voudrais.

18/02/2017

hommage à Anne Sexton (1928-1974)

Anna Sexton, poète américaine n'a jamais été publiée en français...

anne_sexton2.jpg

 

La ballade de la masturbatrice solitaire


La fin d’une liaison est toujours la mort.
C’est mon atelier. Œil glissant,
mon souffle te trouve sorti
de la tribu de moi-même. J’effraye
ceux qui restent là. Je suis rassasiée.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

Doigt contre doigt il m’appartient désormais.
Il n’est pas trop loin. Il est ma rencontre.
Je le bats comme une cloche. Je m’allonge
sous la tonnelle où tu avais l’habitude de le grimper.
Tu m’empruntais sur la couverture à fleurs.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

Prends cette nuit par exemple, mon amour,
où chaque couple se mêle
dans un même chavirement, dessous, dessus,
le deux abondant sur l’éponge et la plume,
à genoux et poussant, tête contre tête.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

C’est ainsi que j’éclate de mon corps,
un miracle énervant. Pourrais-je
exhiber le marché du rêve ?
Je suis étendue. Je crucifie.
Ma petite prune tu disais.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

Alors ma rivale aux yeux noirs est arrivée.
La lady de l’eau, se levant sur la plage,
un piano au bout des doigts, la honte
sur les lèvreset la parole de flûte.
Tandis que j’étais le balai tordu.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

Elle t’a pris comme une femme prend
une robe en solde sur une étagère
et je me suis briséecomme se brise une pierre.
Je te rends tes livres et ton matériel de pêche.
Le journal d’aujourd’hui annonce que vous êtes mariés.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

Les garçons et les filles ne font qu’un cette nuit.
Ilsdéboutonnent les corsages. Ils ouvrent les braguettes.
Quittent leurs chaussures. Ils éteignent la lumière.
Les créatures luisantes sont pleines de mensonges.
Ils se mangent mutuellement. Ils sont suralimentés.
La nuit, seule, j’épouse le lit.

 

anne-sexton.jpg

 


The Ballad of the Lonely Masturbator


The end of the affair is always death.
She’s my workshop. Slippery eye,
out of the tribe of myself my breath
finds you gone. I horrify
those who stand by. I am fed.
At night, alone, I marry the bed.

Finger to finger, now she’s mine.
She’s not too far. She’s my encounter.
I beat her like a bell. I recline
in the bower where you used to mount her.
You borrowed me on the flowered spread.
At night, alone, I marry the bed.

Take for instance this night, my love,
that every single couple puts together
with a joint overturning, beneath, above,
the abundant two on sponge and feather,
kneeling and pushing, head to head.
At night alone, I marry the bed.

I break out of my body this way,
an annoying miracle. Could I
put the dream market on display?
I am spread out. I crucify.
My little plum is what you said.
At night, alone, I marry the bed.

Then my black-eyed rival came.
The lady of water, rising on the beach,
a piano at her fingertips, shame
on her lips and a flute’s speech.
And I was the knock-kneed broom instead.
At night, alone, I marry the bed.

She took you the way a woman takes
a bargain dress off the rack
and I broke the way a stone breaks.
I give back your books and fishing tack.
Today’s paper says that you are wed.
At night, alone, I marry the bed.

The boys and girls are one tonight.
They unbutton blouses. They unzip flies.
They take off shoes. They turn off the light.
The glimmering creatures are full of lies.
They are eating each other. They are overfed.
At night, alone, I marry the bed.

 

Texte en anglais Anne Sexton. The Ballad of the Lonely Masturbator, Love Poems, 1969, poetryfoundation.org

Traduction en français Stéphane Chaumet

D'autres poèmes de Diane Sexton

 

 

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