18/02/2017
hommage à Anne Sexton (1928-1974)
Anna Sexton, poète américaine n'a jamais été publiée en français...
La ballade de la masturbatrice solitaire
La fin d’une liaison est toujours la mort.
C’est mon atelier. Œil glissant,
mon souffle te trouve sorti
de la tribu de moi-même. J’effraye
ceux qui restent là. Je suis rassasiée.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
Doigt contre doigt il m’appartient désormais.
Il n’est pas trop loin. Il est ma rencontre.
Je le bats comme une cloche. Je m’allonge
sous la tonnelle où tu avais l’habitude de le grimper.
Tu m’empruntais sur la couverture à fleurs.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
Prends cette nuit par exemple, mon amour,
où chaque couple se mêle
dans un même chavirement, dessous, dessus,
le deux abondant sur l’éponge et la plume,
à genoux et poussant, tête contre tête.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
C’est ainsi que j’éclate de mon corps,
un miracle énervant. Pourrais-je
exhiber le marché du rêve ?
Je suis étendue. Je crucifie.
Ma petite prune tu disais.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
Alors ma rivale aux yeux noirs est arrivée.
La lady de l’eau, se levant sur la plage,
un piano au bout des doigts, la honte
sur les lèvreset la parole de flûte.
Tandis que j’étais le balai tordu.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
Elle t’a pris comme une femme prend
une robe en solde sur une étagère
et je me suis briséecomme se brise une pierre.
Je te rends tes livres et ton matériel de pêche.
Le journal d’aujourd’hui annonce que vous êtes mariés.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
Les garçons et les filles ne font qu’un cette nuit.
Ilsdéboutonnent les corsages. Ils ouvrent les braguettes.
Quittent leurs chaussures. Ils éteignent la lumière.
Les créatures luisantes sont pleines de mensonges.
Ils se mangent mutuellement. Ils sont suralimentés.
La nuit, seule, j’épouse le lit.
The Ballad of the Lonely Masturbator
The end of the affair is always death.
She’s my workshop. Slippery eye,
out of the tribe of myself my breath
finds you gone. I horrify
those who stand by. I am fed.
At night, alone, I marry the bed.
Finger to finger, now she’s mine.
She’s not too far. She’s my encounter.
I beat her like a bell. I recline
in the bower where you used to mount her.
You borrowed me on the flowered spread.
At night, alone, I marry the bed.
Take for instance this night, my love,
that every single couple puts together
with a joint overturning, beneath, above,
the abundant two on sponge and feather,
kneeling and pushing, head to head.
At night alone, I marry the bed.
I break out of my body this way,
an annoying miracle. Could I
put the dream market on display?
I am spread out. I crucify.
My little plum is what you said.
At night, alone, I marry the bed.
Then my black-eyed rival came.
The lady of water, rising on the beach,
a piano at her fingertips, shame
on her lips and a flute’s speech.
And I was the knock-kneed broom instead.
At night, alone, I marry the bed.
She took you the way a woman takes
a bargain dress off the rack
and I broke the way a stone breaks.
I give back your books and fishing tack.
Today’s paper says that you are wed.
At night, alone, I marry the bed.
The boys and girls are one tonight.
They unbutton blouses. They unzip flies.
They take off shoes. They turn off the light.
The glimmering creatures are full of lies.
They are eating each other. They are overfed.
At night, alone, I marry the bed.
Texte en anglais Anne Sexton. The Ballad of the Lonely Masturbator, Love Poems, 1969, poetryfoundation.org
Traduction en français Stéphane Chaumet
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