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05/10/2017

l'oeil & la plume... je n'irai même pas cracher sur vos tombes

tombe 3.jpg

texte de cathy garcia                                                                                                               photocollage  jlmi  2013

  

Je n'irai même pas cracher sur vos tombes,

cracher
la blessure originelle
qui ne guérit pas
ne peut guérir

juste vivre avec
et ainsi soit-il alléluia
marcher dans les rangs
port obligatoire
du masque social

qu'est ce qui me retient donc de m'en défaire ?

décliner une identité
comme on décline
une invitation

oui nos vies
ne sont que romans de gare
qui n'ont jamais obtenu de prix

pas de prix la vie
pourtant elle se vend s'achète
à tous les coins de rue

peut-on marcher sur des corps
sous prétexte qu'on ne les sent pas
sous ses semelles ?

et sinon à part ça ?
parler de choses plus gaies
plus intéressantes
se faire des politesses

sur des corps piétinés tellement oubliés
qu'ils en deviennent invisibles
inexistants

anonymes

jusqu'au jour où ces corps là se relèvent
pour devenir combattants de la déveine

jusqu'au jour où ces corps
reprennent consistance
par la violence
pulvérisent le sens
jusqu'au non sens

alors ON a peur.
alors ON s'indigne
ON proteste

balbutiements d'intérêt.
la violence n'a jamais été une cause
seulement un résultat

noyer diluer sous des flots de paroles
qui ne communiquent rien
seulement du bruit
du vent du paraître
de la culture vaine
puisque rien ne se fait
rien ne change

l'érudition étalée comme une pâte
trop grasse
sur la tranche maigre des jours

prétentieuse omniscience
rien ne sert de savoir la leçon
si elle demeure non appliquée

tout ça
ne sert à rien
sans le coeur sans l'humilité
sans véritable soif de justice
pour TOUS

tout ça ne sert à rien si on ne sait pas
toucher à mains nues les plaies du monde
boire au même goulot que les parias
s'immerger dans la merde

moi non plus je ne veux pas !
je ne veux plus.

la merde aussi est un résultat
c'est l'hiver
des gens vont geler dans la rue

vous les férus d'Histoire
de quelle histoire
faites-vous donc partie ?
de celle qui a enfanté
la sale gueule du monde
d'aujourd'hui ?

celle qui ferme les yeux
s'entête jusqu'à l'absurde
enrobe la lâcheté
de discours prétentieux
déguise la peur
sous des airs de raison ?

chèques de désinfection
soupirs de circonstance
à la grande messe médiatique
c'est important de se tenir
informés.

et pendant ce temps les enfants des enfants
deviennent cruels
ce n'est plus un fossé mais un abîme de néant
qui nous sépare

le mépris n'est qu'un faible rempart
l'orgueil isole
la souffrance nous rattrape toujours
et dans le miroir qui m'est tendu
je ne peux grandir

je ne peux faire que fuir
et me cogner dans les angles..

cracher
cracher sans cesse
pour ne pas étouffer
de rage de haine
cette immense peine
sortie sanglante et nue
d'un ventre froid.

in Ombromanie, Encres Vives, 2007

 

 

04/10/2017

l'oeil & la plume... l'oeil aux gouttes d'ombre

Vallée des brumes  Chaumont sur Loire 2010B&W.jpg
texte & photo  jlmi
 

Des mots.

Des mots tressés.

Depuis ton corps,

c’est le plus beau cadeau que j’ai reçu

 

On ne peut pas effacer ce qui a été dit.

Je ne sais même pas ce qui fut le plus cruel ni comment en parler.

Encore maintenant.

 

Mélancolie de cette  musique poussiéreuse

du vide de la tendresse

toujours prête à sourdre au dialogue de nos ombres mortes

sous une caresse de frissons acides

furieuse et douce, endolorie d’odeurs chatoyantes,

parfums piquants d’orage au goût bleuté

dans l’éclatement d’un sourire

Puisse le puissant désir

au rouge profond enceint de ciel chaud

horrible charade des couronnes d’extase

foutre le camp au-delà de la déception

dans l’en deçà de nos deux vies ou

aux avenirs ébouriffés de nos chimères

Que les vents de solitude te soient très longtemps favorables

car les étoiles exténuées s'abreuvent toujours à la sève des pierres

dans un silence à troubler l’eau claire

des percussions étouffées d’un tambour déchiré

Energies telluriques radicales

majestueuses

des orgues flottantes de nos cathédrales aériennes

immobiles dans le courant lent

et long du temps des pierres.

Nécessité des migrations

plus rien que la lumière de l’œil aux gouttes d’ombre.

 

03/10/2017

l'oeil & la plume... Ezra Loomis Pound

Ezra tomb3.jpg
texte de werner lambersy                                                         photocollage jlmi 2013
 

 

La barge

Des pompes funèbres

La large gondole

Municipale

Du service des pauvres

Emportait Ezra

Pound

 

Quelques uns

Sur les quais de venise

Encore pâle

Se signaient

Sans savoir

Qui passait là

Et levaient distraitement

Leurs chapeaux

 

De la gare centrale

Au Lido

Et de la Dogana

A l’arsenal

Le grand canal gris

Avait noué

Sa cravate de deuil

Sous le ciel

En dentelle des balcons

...

Et noir anthracite

(comme chez Faber &

Faber la toile

Du recueil des Cantos)

Glissait

Sur l’onde glabre

Le cercueil de Loomis

Le poète

Dont le chant sera l’os

A moelle

Des poèmes modernes

 

Parmi le clapotis de l’eau

Contre la pierre

Du ciel

Et des palais aux volets

Clos

Sur les fêtes d’hier

Et la musique de Vivaldi

...

Pas de pleureuses prises

Dans la plèbe

Se griffant le visage

Et les cheveux en bataille

Ni de tocsins

Aux lentes volées

De corbeaux sur la ville

 

Pour le cadavre du barde

Américain

A la crinière de lion battu

Et de Pégase

En plein vol banni

Pour ses erreurs fascistes

A Rome et lu

Comme on reste stupéfait

Par un feu

D’artifice de génie encore

Jamais vu

 

Ainsi s’en allait-il presque

Anonyme

Le géant hirsute

Ainsi s’en allait-il presque

Seul

Et l’eau derrière lui

Refermait

Son manteau 

Sur le crime

De ses chroniques

Et le mensonge de sa folie

Ainsi allait-il pestiféré mais

Poète avant tout

Vers où

La faute n’aurait une place

Qu’en second

 

fragments du poème publié chez l'Âge d'Homme en 2006