13/05/2018
l'oeil & la plume : poème sur la mort d'un monastère de banlieue (fragment I )
Je suis un contribuable
& un scorpion
& un poète je n'ai pas besoin des drogues
je voulais seulement faire comme tout le monde
& tous ceux que je connaissais prenaient des drogues
& tous ceux que je connaissais lisaient le Village Voice
& chouchoutaient leurs troubles psychosomatiques
rien que pour avoir des pilules
n'importe quelles pilules
que faire d'autre ?
la télévision ?
se branler sur les spots publicitaires
bobonne qui te broute la braguette
pendant les publicités alimentaires
GROUILLEZ-VOUS D'ALLER PISSER AVANT QUE LE FILM RECOMMENCE
la télévision qui te broute la braguette
jusqu'au retour de bobonne
la télévision - en voilà encore une de drogue
bonne vieille vie de banlieusard
pourtant, je suis content qu'ils aient voté les lois
beaucoup trop de jeunes mômes essaient de me brancher
des gamines veulent me rendre visite
avec de l'herbe - elles m'écrivent des lettres
désirent être mes amies
des chasseurs de célébrités qui veulent visiter
l'ashram de poésie du coin -
connerie de merde !
j'ai l'impression d'être un film underground
brûlé par Savonarole
je suis toujours à la recherche
d'une reine loyale et bandante
qui sache jouir dans sa tête
et qui me laisse jouir avec elle
“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)
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12/05/2018
l’œil & la plume... la révolte [ extrait ]
La rage, elle a bondi de terre
Sur un monceau de pavés gris ;
La rage immense avec des cris,
Avec du feu dans ses artères ;
La rage, elle a bondi
Féroce et haletante
Et si terriblement
Que son moment d’élan vaut à lui seul le temps
Que met un siècle en gravitant
Autour de ses cent ans d’attente.
Tout ce qui fut rêvé jadis ;
Ce que les fronts les plus hardis
Vers l’avenir ont instauré ;
Ce que les âmes ont brandi,
Ce que les yeux ont imploré,
Ce que la sève humaine
Silencieuse a renfermé,
S’épanouit, aux mille bras armés
De ces foules, brassant leur houle avec leurs haines.
in les Villes tentaculaires 1895
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11/05/2018
l'oeil & la plume... le désespoir du singe
Il est à la fenêtre
dos à la lumière
Il lui demande
si elle s’ennuie
En bas, c’est la fête
des rires étouffés escaladent le mur
de sonnailles juvéniles et de faux carnavals
Il lui demande
si elle entend
Ce bonheur qui monte
agrippé aux lézardes
Si elle sent cette odeur
qui filtre entre les branches
Si elle aperçoit sous l’arbre
la jeunesse qui file
Si elle discerne au loin
les hormones qui passent
Dans les poignées de poils
cet impérieux trop plein
Il lui demande
Elle n’entend rien
que l’araucaria
qui dépiaute le monde
de ses épines tendres
Elle devine en cillant
son visage un peu mou
Sous les aiguilles fines
des humeurs assassines
Elle distingue le flot
de couleurs qui bavent
Et dans l’ombre qui baigne
la pièce de ses feuilles
elle sent sur sa joue
la virgule
Elle murmure
« Je suis vide comme une vieille seringue »
Il lui répond à contre-jour
« Pas que »
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