Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/05/2018

l'oeil & la plume : poème sur la mort d'un monastère de banlieue (fragment I )

Nam June Paik - 1994 - Reclining Buddha.jpg
texte de D.A. Levy  1968                                                                        ill. Nam June Paik - 1994 - Reclining Buddha
 

 

Je suis un contribuable
& un scorpion
& un poète je n'ai pas besoin des drogues
je voulais seulement faire comme tout le monde
& tous ceux que je connaissais prenaient des drogues
& tous ceux que je connaissais lisaient le Village Voice
& chouchoutaient leurs troubles psychosomatiques
rien que pour avoir des pilules
n'importe quelles pilules
que faire d'autre ?
la télévision ?
se branler sur les spots publicitaires
bobonne qui te broute la braguette
pendant les publicités alimentaires
GROUILLEZ-VOUS D'ALLER PISSER AVANT QUE LE FILM RECOMMENCE
la télévision qui te broute la braguette
jusqu'au retour de bobonne

la télévision - en voilà encore une de drogue
bonne vieille vie de banlieusard
pourtant, je suis content qu'ils aient voté les lois
beaucoup trop de jeunes mômes essaient de me brancher
des gamines veulent me rendre visite
avec de l'herbe - elles m'écrivent des lettres
désirent être mes amies
des chasseurs de célébrités qui veulent visiter
l'ashram de poésie du coin -
connerie de merde !
j'ai l'impression d'être un film underground
brûlé par Savonarole

je suis toujours à la recherche
d'une reine loyale et bandante
qui sache jouir dans sa tête
et qui me laisse jouir avec elle

 

“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)

 

12/05/2018

l’œil & la plume... la révolte [ extrait ]

penny-illustrated-17-june-1871.jpg
texte de émile verhaeren 1895                                                               ill : the penny illustrated paper 17 juin 1871
 

 

La rage, elle a bondi de terre

Sur un monceau de pavés gris ;

La rage immense avec des cris,

Avec du feu dans ses artères ;

La rage, elle a bondi

Féroce et haletante

Et si terriblement

Que son moment d’élan vaut à lui seul le temps

Que met un siècle en gravitant

Autour de ses cent ans d’attente.

 

Tout ce qui fut rêvé jadis ;

Ce que les fronts les plus hardis

Vers l’avenir ont instauré ;

Ce que les âmes ont brandi,

Ce que les yeux ont imploré,

Ce que la sève humaine

Silencieuse a renfermé,

S’épanouit, aux mille bras armés

De ces foules, brassant leur houle avec leurs haines.

 

in les Villes tentaculaires 1895

 

11/05/2018

l'oeil & la plume... le désespoir du singe

araucaria recadrcontrast.jpg
texte de murièle modély                                                                                         collage  jlmi  2014
 

 

 

Il est à la fenêtre
dos à la lumière

Il lui demande
si elle s’ennuie

En bas, c’est la fête
des rires étouffés escaladent le mur
de sonnailles juvéniles et de faux carnavals


Il lui demande
si elle entend

Ce bonheur qui monte
agrippé aux lézardes

Si elle sent cette odeur
qui filtre entre les branches

Si elle aperçoit sous l’arbre
la jeunesse qui file

Si elle discerne au loin
les hormones qui passent

Dans les poignées de poils
cet impérieux trop plein

Il lui demande


Elle n’entend rien
que l’araucaria

qui dépiaute le monde
de ses épines tendres

Elle devine en cillant
son visage un peu mou

Sous les aiguilles fines
des humeurs assassines

Elle distingue le flot
de couleurs qui bavent

Et dans l’ombre qui baigne
la pièce de ses feuilles

elle sent sur sa joue
la virgule


Elle murmure
« Je suis vide comme une vieille seringue »

Il lui répond à contre-jour
« Pas que »