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27/06/2017

l'oeil & la plume... poème sur la mort d'un monastère de banlieue (fragment III )

eboueurzen 02.jpg
texte de d.a. levy                                                                                                                      collage   jlmi  2014
 
 

les petites funérailles

 

« la seule différence
entre les matadors & les poètes
c'est que les uns flirtent avec la mort
et les autres avec la folie »

rik davis

 


ils vous ont presque tous menti
moi y compris je suppose
« le poète joue avec la folie »
c'est ridicule - nous sommes tous fous
c'est à vous de réveiller les poètes
perdus dans leurs passés mystérieux
le poète mange & dort & pisse
& pète & chie & écrit
des poèmes - c'est ça, la folie ?
c'est un maître zen sous barbituriques

c'est l'homme d'affaires, le commerçant
qui joue avec la folie - le
docteur qui joue avec la médecine - l'imprimeur
le fabricant de bombes & le type
qui fait des baguettes & des croissants de 9h à 5h
se réveille à 6h
conduit son camion
à travers la ville
vivant jour après jour
la même routine
insensée
sans même le temps
de se demander pourquoi
poètes paumés dans le luxe de pouvoir
poser des questions de pouvoir
se cogner la tête contre les murs
& dire « hé c'est mon boulot »
& ils savent déjà - qu'ils ne veulent pas de réponses

ah mais ce matador en transit rapide
embroché chaque jour par des cornes
invisibles - intérieurement
& les transactions commerciales qui ne se font pas
& le cow-boy de la CTS assis sans un mot
cherchant à décrocher du boulot - n'importe quel boulot
& qui sait qu'il crèvera tubard
ou du cancer à 65 ans- incapable de trouver un poil de
signification dans tout ce jeu
ah la douce folie que de pouvoir
balancer toutes ces journées désespérément identiques
alors que le matador reçoit une rose
d'un petit boudin cradoque
dans la foule
il lui donne les oreilles du taureau
plus tard au lit

& un poète qui bande avec une pauvre vision
nettoie pour vous le tableau
mais maintenant vous avez la télévision
& vous rêvez trop

l’éboueur le matin
connaît sa propre réalité
les éboueurs ne se font jamais descendre pendant les émeutes
peut-être sont-ils les vrais saints
avec une aura protectrice
leur réalité - la merde de
la corbeille à papier de votre chambre à coucher
il faut être un maître zen
pour être éboueur
& les poètes mentent quand ils essaient de trouver
quelque beauté dans les tas d'ordures
les ordures sont les ordures
la poésie est une ordure sentimentale -
les détritus
& la beauté ne sont que des rêves
mais maintenant vous avez la télévision
pour vous aider à rêver

hommes sans âme
toreros de magasins sans importance
fantômes décervelés qui jamais ne possèderont d'esprit
avec lequel jouer
hommes aux rêves télévisés de lycéens
qui se signent en des rites de mort
qui murmurent « doux jésus » avant d'affronter
leurs concurrents chaque jour
qui jouent à la guerre - & deviennent des policiers
jouant avec la folie
ils conduisent leurs autos
se moquent des hippies boivent le vendredi
jouent aux quilles chient sur Dieu chaque jour & meurent
& meurent & meurent tout seuls
enveloppés dans des drapeaux
fiers de leur folie
& les poètes académiques
écrivent pour vous leurs rêves proprets
& prétendent que tout est beau
assis dans un bar
le confessionnal alcoolique

& chaque jour je m'assieds ici
& j'essaie de devenir chacun d'entre vous
l'un après l'autre
essayant ces rêves de lycée
pour voir la taille
ça marche pas
vous n'êtes pas à ma pointure

poète j'essaie d'apprendre
à rester humain
malgré la technologie
& il n'y a personne pour m'enseigner
je suis encore trop jeune pour
être tranquille & contemplatif

je ne veux pas devenir une carte vermeille
tremblant de terreur devant la télé

des hommes d'affaires dans leurs ego-trips amphétaminés
me racontent leur dernier coup

je visite des églises & des temples & je pose des questions
& on me donne une brochure
ou un livre idiot
on dirait qu'il n'y a personne
d'autre que moi pour répondre à mes questions

une hideuse responsabilité
avec des conséquences encore pires

adieu télévision
je rentre dans ma tête

ma femme & moi
faisons notre promenade du soir
autour du bloc
(sommes-nous si vieux)
il y a quelque chose de beau
en elle quelque chose
une sorte de rêve dans le ciel sans nuage

je sais que mes rêves sont irréels
mais ce sont mes rêves

parfois
par les chaudes nuits d'été
nous nous haïssons
& c'est merveilleux...

 

note :
paix & lucidité sont
deux petits oiseaux
qui cherchent à quitter la planète
parce qu'ils sont las de mourir

je n'ai pas de conseils à donner


 

in Poème sur la mort d’un monastère de banlieue

 


“Suburban Monastery Death Poem”, Zero Edition, Cleveland 1968
“Suburban Monastery Death Poem”, Second Zero Edition, Cleveland 1976
“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, in Starscrewer Spécial, Berguette, 1981
“Poème sur la Mort d'un Monastère de Banlieue”, Station Underground d’Émerveillement Littéraire, Berguette, 1993. ISBN 2 909834 11 5 (traduction Lucien Suel)

 

26/06/2017

l'oeil & la plume... néologisme

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aphorismes de werner lambersy                                                                                           photomontage  jlmi  2013
 

Je n'aime pas qu'on mène la musique à la baguette.

Je suis contre la peine de mort même naturelle.

J'en veux à tous les morts : c'est trop facile.

"Je t'aime" doit rester un néologisme.

 

25/06/2017

l’œil & la plume... pas d’main la veille

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texte de fanny sheper                                                              sur une photo de jlmi  2010

 

C’était pas hier

 

Bon, j’étais bourrée

Mais je me souviens,

Je me souviens, on s’est rencontré comme ça

C’était pas hier, c’était avant, je crois

Si si, c’était toi, tu marchais dans cette rue

Tu traînais un blues mélodieux

Et puis t’avais l’air seul mais heureux,

Tu étais accompagné par une charmante bouteille de whisky,

Ca, c’est ton petit coté américain

Moi c’étais une bière, une grande

Une de celle qui a plus de bulles avant d’être finie

J’aime bien faire traîner, je fais pareil avec le café

J’attends qu’il soit froid pour la dernière gorgée

Bref, j’étais bourrée

Je me souviens plus d’hier

Mais, sûre que je t’ai rencontré

On a parlé, parlé

Je sais plus de quoi mais c’était beau

Toi aussi tu étais beau

Tout était beau

Enfin, je crois, j’étais bourrée

On était assis là par terre

Sur le trottoir et les chewing-gums aplatis

Mais c’était bien

C’était comme d’être assis sur un canapé

Sous un figuier l’été

Des gens passaient, les bruits s’endormaient

On parlait, on parlait

Puis tu as dit

« Ma bouteille est cramée »

Et tu m’as regardé comme si c’était la fin

Avec cet air à la fois triste et soulagé

A ce moment précis,

Je t’ai aimé,

C’est pour ça que je m’en souviens mieux qu’hier

Alors, j’ai posé ma bière à coté

Et on s’est embrassé

Et la rue s’est changée en palais

Et le trottoir s’est évanoui sous nos pieds

Et les réverbères se sont tamisés rien que pour nous

Si c’est vrai .

Tout timides et gênés

On s’est sourit comme ça, un moment

Puis après, ben après, c’était hier…. 

Et hier, j’étais bourrée …