22/01/2013
hommage à Henry Bauchau
par werner lambersy
Henry Bauchau 1913-2012
Ou la fascination devant la violence et la révélation du féminin
On me demande…Je veux bien, mais je n’ai compétence que pour la vérité du cœur ; pas pour toutes les autres qui sont affaires de spécialistes !
Pour avoir eu le privilège, pendant plus de 20 ans, une fois par mois, de partager avec Henry Bauchau et Laure leur déjeuner du Passage de la bonne Graine ( gratin d’endives, nous disions chicons), je ne peux que témoigner, et chacun sait ce que témoin veut dire, depuis « spectateur » jusqu’à « choses enfouies sous une élévation laissée intacte lors de l’invention d’un chantier »…
Pour comprendre, il faut situer ce qui était devenu un rituel immuable. A table, on parlait avec légèreté des œuvres en cours (pour lui comme pour moi, au moins quatre versions du même manuscrit), de l’art et de ses « grandes manœuvres » ; puis, à pied, nous nous rendions au jardin des Plantes pour saluer « le prunus divin » où Henry priait en me rappelant » qu’il n’avait besoin ni de religion ni d’un dieu pour faire confiance aux forces de la vie ». A l’aller, nous avions discuté politique ; le retour se faisait dans le silence de l’amitié, qu’il pleuve, vente, ou fasse plein soleil dans la lumière si particulière de Paris.
Je lis surtout de la poésie, c’est donc à travers « Géologie » et « La Chine intérieure » que je rencontre Bauchau ; quand plus tard, j’aborderai ses romans, il devint évident que ses poèmes, à chaque étape en constituaient le colonne vertébrale, le filigrane constant. « J’ai besoin de l’ombre du poème (souvent pour lui son inconscient, ses rêves) pour atteindre aux lumières successives du manuscrit ». Relisez ce que désormais le monde entier connaît de sa prose et vous verrez se dégager de l’ensemble ce chant discret, mais inoubliable, où l’auteur, presqu’impersonnel, confie sa révélation du rôle fondateur du poème, du jeu fraternel, universel de son mystère, et le défi, tranquille mais lucide, aux mensonges du Temps. C’est en poète avant tout que Bauchau veut célébrer la louange à ce qui est « à travers les ténèbres du beau, un chemin vers la vérité » (J. Bousquet) C’est en poète avant tout que Bauchau voulait qu’on se souvienne de lui.
Lorsqu’il parlait du « peuple du désastre » (le premier titre de L’Enfant bleu !) il ne voulait pas seulement parler de ces êtres en difficulté dont il s’occupait mais aussi de la difficulté, pour nous, simplement d’être et d’exister !
Bauchau n’a jamais pu guérir des deux guerres traversées ; l’une en 14-18, qui marquera sa prime enfance et son adolescence par son absurdité, sa loi du plus fort, sa brutalité aveugle et l’écroulement d’un monde (jusqu’à l’affrontement sourd avec l’aîné et la grande bourgeoise dont il est issu) ; l’autre, celle de 40-45, par son acharnement méthodique, sa violence bestiale et l’écroulement de toute notion d’humanité.
Toute cette horreur, y compris celle de la Shoa dont il parlera peu mais qui ne quittera jamais le fil conducteur, la trame qui sous-tend son œuvre, sera la toile de fond de sa réflexion, la plaie restée ouverte qu’il ne nommera jamais explicitement, alors qu’elles serviront d’exorcisme à sa fascination devant la violence, l’arbitraire et le pouvoir…Les destins aussi mais ne sommes-nous pas maître de les refuser tant que la mort nous appartient ?
Il s’occupera des forces obscures, du chaos primitif de ce cortex qui veut reconnaissance, domination et soumission !
De Gengis Khan à Mao, d’Œdipe-Antigone à Diotime, jusqu’à L’enfant bleu, Boulevard périphérique ou Déluge, il s’appliquera à en montrer les mécanismes, à en démonter les articulations perverses, à en révéler les arcanes et d’en faire ressortir l’abominable fresque, tout en marchant, à pas de funambule, sur la corde mince de ce que l’amour peut sauver. Il s’agira rarement de sexe stricto sensu, et pourtant ce grand séducteur manipulera beaucoup d’émois, de désirs et même de sacrifices consentis, mais jamais sans rappeler cette histoire : un dieu nous a donné la lettre, un démon, les mots ; tout le reste nous appartient, y compris entres les lignes du rêve et de l’inconscient…
Il appellera à la rescousse toutes les grandes figures du mythe et de l’histoire, puis celles, emblématiques, de notre quotidien, pour démasquer, dénoncer ces tentatives de nous détruire au profit des plus forts et sur le dos des plus faibles ! Il n’oubliera jamais : pour que peu aient beaucoup, il faut que beaucoup aient peu, et c’est contre cette injustice qu’il ne cessera de se battre avec les armes de son intelligence et la secrète colère que soulèvent ses écrits. » il n’est besoin ni de croire ni d’espérer mais d’être libre (Kazantzakis).
Il utilisera pour cela et de façon privilégiée, le seul contrepoids possible à cette entreprise de décervelage contemporain ( on veut le leurre et l’argent du leurre) à cette main mise mondiale sur l’esprit critique : les femmes !
Il dira leur viscérale insoumission à la mort, leur vision neuve d’un monde où elles peuvent enfin prendre la parole, faire taire l’instinct du rapace, le mugissement du buffle au front bas, autant que les bêlements du mouton.
Il reste cependant, dans ce survol superficiel, à remarquer combien Bauchau a su se défaire de l’encombrant soupçon d’être déchiré entre les deux langues nationales et leurs stériles débats d’intérêts ; rien, dans cet homme arrivé tard à l’écriture sereine et non indifférente, de ces soubresauts folkloriques dont certains font leurs fonds de commerce littéraire.
Mais d’autres déchirures, plus profondes, plus porteuses, dépassées par une sagesse plus apaisée, et des valeurs plus généreuses comme la parole donnée (au propre comme au figuré) et l’amitié au-delà des remous existentiels du séculaire ! Ce n’est pas sans émotion que je veux terminer cet article du vivant en me remémorant la rencontre, après 50 ans, de deux amis de jeunesse (l’école primaire de Saint-Josse) Paul Nothomb et lui, atteints des mêmes symptômes qui les caractériseront secrètement :jamais ils ne pourront se résigner à renier leur serment d’officier et la responsabilité humaine qu’un destin d’exigence veut conduire. Cela peut faire sourire mais quelque chose du besoin de beauté, ni donné ni acquis, mais courant librement entre les lignes de l’action et de l’écriture s’incarne ici comme l’idée du bonheur dont Saint Just disait qu’en Europe c’était une idée neuve…
cet hommage est repris à l'occasion des
Lectures autour de Henry Bauchau
22 janvier 2013 Palais des Académies. Bruxelles.
Académie royale de langue et de littérature française de Belgique
04:55 Publié dans hommage à | Lien permanent | Commentaires (2)
21/01/2013
le corps, l’oreille & la plume : Henri Oguike vu par jean-louis millet
L’accord parfait.
Dans ce ‘’Second Signal’’, Oguike réussit l’accord parfait entre les tambours traditionnels japonais plus que millénaires et la danse occidentale la plus contemporaine.
Cet accord affleure la perfection jusqu’à la plus infime pulsation vitale.
Cet accord est apical. Un frémissement dans la musique des Sphères.
C’est l’Homme enfin tout proche de sa réconciliation avec la Terre dans le grand implié/maelström des attouchements & des pulsations/pulsions du Cosmos.
04:43 Publié dans le corps, l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (1)
20/01/2013
l’oeil, l’oreille & la plume : au pays du tambour levant
Pourquoi le Japon compte-t-il autant de groupes de taiko (太鼓 ) ?
Depuis plus de mille ans, les peuples qui composent le Japon ont aimé le son de ces tambours et les ont toujours associés à leurs fêtes. Ce n’est pas une musique d’aristocrates, c’est une musique populaire.
Pendant plus de trente ans, je me suis nourri de cette musique, allant de fêtes en concerts, car les groupes amateurs et professionnels pullulent. Parmi ces dernier, Ondekoza est sans doute le plus célèbre.
Cependant, mon ensemble préféré reste Kodo*. C’est vraiment celui que j’aime le plus. Les performances de ses percussionnistes sont très artistiques et contentent pleinement l’esprit !
Leurs sons résonnent non seulement dans mon cœur, mais aussi dans mon ventre, jusqu’au tréfonds de mes entrailles, ils submergent totalement mon corps et mon esprit.
Le taiko, musique des peuples japonais, joué par Kondo accorde les sons de mon cœur aux pulsations de la Terre.
C’est l’hymne véritable de la Terre Précieuse.
Taro Aizu
* Kodo signifie battement de cœur ou enfant du tambour en japonais
Plus sur le taiko http://fr.wikipedia.org/wiki/Taiko
Plus sur le groupe Kodo http://wn.com/kodo_taiko_drummers
04:32 Publié dans l'oeil, l'oreille & la plume | Lien permanent | Commentaires (5)