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30/01/2013

le corps, l'oeil & la plume : les pistes du rêve

   

 texte de cathy garcia                          chorégraphié en solo "atmosphérique"
et interprété comme une pièce de butô par séverine delboscq, cie l'essoreuse



Défaire le crépuscule
Glisser dans les reflets renards de ses draps

Fixer l’horizon par des pointes d’améthyste
Le laisser sécher à la lune

Tracer un paysage au fusain de la langue
Compter les brûlis sur la peau
Les innombrables feuillets de nos masques pâles

Regarder fondre la vitre du réel
Ses reflets d’huile sur l’étendue de neige

Le roulis des roseaux
Grand soleil rouge à l’horizon brûlé

La neige est une plage de coquillages nus
Où les serpents marins
Sifflent des inconnues

Naître reconnaître dans les clameurs des sirènes
Les voix balbutiantes des poètes

Songes de sable
Châteaux d’écume
Nager dans leur trouble

En poissons de sang  

 


les pistes du rêve,  extrait du recueil Mystica perdita



28/01/2013

l'oeil & la plume : encre de Chine

encre de Chine.JPG

une oeuvre à quatre mains de                           Paulette Dumont dite Popofe & Bruno Toméra


plus sur Paulette Dumont



27/01/2013

l’oeil & la plume : après bien des répétitions

lasciveSM2.jpg

texte de murièle modély                                                             montage photo  jlmi  2013

 

Elle a bien répété

le rire de gorge

le bout de langue

le regard frais

Elle a bien répété

 

Elle est de passage, assise jambes croisées, dos arqué, sur le canapé. Elle boit une bière.

Elle porte un tee-shirt à paillettes, on voit sa chair. Elle a de gros seins, un piercing, petit strass en forme d’étoile.

J’ai du mal à croire qu’elle a vingt ans : elle en paraît encore seize. A cause sans doute de sa bouche charnue, ourlée comme celle d’un poupon de cellulose.

Je la regarde.

Elle tient son fils sur ses genoux, un gamin de dix mois qui ne lui ressemble pas.

Elle me raconte.

Sa vie. La journée à chercher un boulot, le soir un père pour son gosse. Elle rit, rectifie. Faut pas croire, elle cherche aussi le grand amour... enfin l’amour, car même s’il est petit, elle le prendra. En attendant elle est ouverte à ce qui vient, la maison, la bagnole, le type dedans.

A chaque fin de phrase, elle glousse en haussant les épaules. Un drôle de tic qui lui reste de nos années d’enfance. Lorsque je faisais la maîtresse à la voix docte, lorsqu’elle faisait semblant d’être l’élève. Je m’agaçais, elle poussait des cris de souris, en secouant la tête.

Je la regarde. Il ne m’est pas facile de faire coïncider, la gosse impertinente aux cheveux bouclés avec cette jeune femme.

Je juge, j’ai toujours fait ça. Elle prête le flanc, elle a toujours fait ça.

Elle me raconte la province, les soirées du samedi soir, où une fille comme elle, normalement, n’est jamais invitée. Pas assez classe, pas assez smart. Elle glousse encore. A cause de la bagnole.

Elle est avec des filles brunes ou blondes, ou elle est seule. A la table d’hommes mûrs ou presque. Je fais un geste, elle se redresse. Trente, quarante ans quoi, et je fais pas la pute.

L’enfant glisse entre ses jambes. Il joue avec la capsule de la bouteille qui a roulé sous la table.

Elle cherche juste à vivre des choses intéressantes.

Mieux. Plus.

Une fois, on lui a même présenté un juge. Mais il était vieux, et il sentait mauvais. Elle rigole, un juge de pets.

Dans ce genre de soirées, elle croise surtout des docteurs, des généralistes, ou des fonctionnaires. Elle me rappelle que papa la voyait mariée à un avocat. Elle me fait un clin d’oeil, qui sait tout est encore possible. Faut juste être là, au bon moment, sur le bon tabouret, dans le bon club. Elle explique. Elle a bien répété. Le rire, la danse, l’écoute. Important l’écoute, quand on n’a rien a dire.

Quand elle ne sait pas, elle rit. Ou elle boit. Faire sonner le cristal, c’est ça qui compte. Les pampilles dans la gorge, ou le verre. Faut que ça vibre.

Elle rit, me presse la main, me remercie de garder son gamin. Je sens son odeur de petit lait mélangé à du fauve. Elle sait que ce soir, ici, quelque chose va arriver. Elle n’a pas peur. Ses joues sont rouges. Je regarde son plaisir ruisseler par vagues dans mon appartement, sur mon canapé, sur mon peignoir usé et l’incompréhensible envie.

 

elle a bien répété

le rire de gorge

les dents de perles

la langue coquine

le gloss 

le fond de teint

l’oeil mutin

elle a bien répété

 

elle sera seule

ils seront cinq

ou vingt

les babines

luisantes

les membres

puissants

 

ils seront cinq ou vingt

au dîner de

con

ils arracheront sa robe

ils lacèreront sa peau

ils déchireront ses seins

ils mâcheront ses reins

ils creuseront sa moëlle

 

au bout de la nuit

sur le tapis

un minuscule tas

d’os

 

ils en mettront deux

à tinter dans un verre

pour boire leur cointreau