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06/02/2013

l'oeil & la plume : cage à mouches

cageamouche2.jpg

texte de fanny sheper                                      illustré par jlmi  ''mouche duveteuse''   collage photo 2013



Une heure où j’étais au fond d’une nuit précieuse

J’ai suivi une mouche duveteuse. 

En fait elle ressemblait pas vraiment à une mouche

Mais elle avait l’air si gracieuse…

J’ai déroulé son fil

Jusqu’à ce que nous flottions toute les deux

Dans les airs wattés et colorés. 

Je pendouillais plus que je ne flottais,

Elle était si légère…

Elle me fit voyager et me montra

Sa cage, elle était si petite

Que nous devions chuchoter

Pour ne pas la faire éclater.

Elle me raconta son évasion,

Elle s’était faufilée entre deux flocons

Et collée à la vitre ,

Elle avait attendu le dégel

Elle était vraiment charmante ! 

Son petit rire était semblable

Au murmure d’un petit grain. 

Quand elle éternuait cela faisait

Un adorable petit cliquetis.

Elle m’a demandée

Alors je l’ai cachée bien au chaud

Elle fait de la balancelle dans mon cerveau

Et de la mandoline quand il fait beau. 

Depuis cette minuscule rencontre

Nous somme deux là-haut,

Et chaque jour, j’attends secrètement

De la retrouver dans son petit nid filé

J’attends cette heure où la nuit se fait précieuse


L’heure, de la mouche duveteuse.



28/01/2013

l'oeil & la plume : encre de Chine

encre de Chine.JPG

une oeuvre à quatre mains de                           Paulette Dumont dite Popofe & Bruno Toméra


plus sur Paulette Dumont



27/01/2013

l’oeil & la plume : après bien des répétitions

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texte de murièle modély                                                             montage photo  jlmi  2013

 

Elle a bien répété

le rire de gorge

le bout de langue

le regard frais

Elle a bien répété

 

Elle est de passage, assise jambes croisées, dos arqué, sur le canapé. Elle boit une bière.

Elle porte un tee-shirt à paillettes, on voit sa chair. Elle a de gros seins, un piercing, petit strass en forme d’étoile.

J’ai du mal à croire qu’elle a vingt ans : elle en paraît encore seize. A cause sans doute de sa bouche charnue, ourlée comme celle d’un poupon de cellulose.

Je la regarde.

Elle tient son fils sur ses genoux, un gamin de dix mois qui ne lui ressemble pas.

Elle me raconte.

Sa vie. La journée à chercher un boulot, le soir un père pour son gosse. Elle rit, rectifie. Faut pas croire, elle cherche aussi le grand amour... enfin l’amour, car même s’il est petit, elle le prendra. En attendant elle est ouverte à ce qui vient, la maison, la bagnole, le type dedans.

A chaque fin de phrase, elle glousse en haussant les épaules. Un drôle de tic qui lui reste de nos années d’enfance. Lorsque je faisais la maîtresse à la voix docte, lorsqu’elle faisait semblant d’être l’élève. Je m’agaçais, elle poussait des cris de souris, en secouant la tête.

Je la regarde. Il ne m’est pas facile de faire coïncider, la gosse impertinente aux cheveux bouclés avec cette jeune femme.

Je juge, j’ai toujours fait ça. Elle prête le flanc, elle a toujours fait ça.

Elle me raconte la province, les soirées du samedi soir, où une fille comme elle, normalement, n’est jamais invitée. Pas assez classe, pas assez smart. Elle glousse encore. A cause de la bagnole.

Elle est avec des filles brunes ou blondes, ou elle est seule. A la table d’hommes mûrs ou presque. Je fais un geste, elle se redresse. Trente, quarante ans quoi, et je fais pas la pute.

L’enfant glisse entre ses jambes. Il joue avec la capsule de la bouteille qui a roulé sous la table.

Elle cherche juste à vivre des choses intéressantes.

Mieux. Plus.

Une fois, on lui a même présenté un juge. Mais il était vieux, et il sentait mauvais. Elle rigole, un juge de pets.

Dans ce genre de soirées, elle croise surtout des docteurs, des généralistes, ou des fonctionnaires. Elle me rappelle que papa la voyait mariée à un avocat. Elle me fait un clin d’oeil, qui sait tout est encore possible. Faut juste être là, au bon moment, sur le bon tabouret, dans le bon club. Elle explique. Elle a bien répété. Le rire, la danse, l’écoute. Important l’écoute, quand on n’a rien a dire.

Quand elle ne sait pas, elle rit. Ou elle boit. Faire sonner le cristal, c’est ça qui compte. Les pampilles dans la gorge, ou le verre. Faut que ça vibre.

Elle rit, me presse la main, me remercie de garder son gamin. Je sens son odeur de petit lait mélangé à du fauve. Elle sait que ce soir, ici, quelque chose va arriver. Elle n’a pas peur. Ses joues sont rouges. Je regarde son plaisir ruisseler par vagues dans mon appartement, sur mon canapé, sur mon peignoir usé et l’incompréhensible envie.

 

elle a bien répété

le rire de gorge

les dents de perles

la langue coquine

le gloss 

le fond de teint

l’oeil mutin

elle a bien répété

 

elle sera seule

ils seront cinq

ou vingt

les babines

luisantes

les membres

puissants

 

ils seront cinq ou vingt

au dîner de

con

ils arracheront sa robe

ils lacèreront sa peau

ils déchireront ses seins

ils mâcheront ses reins

ils creuseront sa moëlle

 

au bout de la nuit

sur le tapis

un minuscule tas

d’os

 

ils en mettront deux

à tinter dans un verre

pour boire leur cointreau