13/09/2017
l'oeil & la plume... prends un siège et causons
Deux visions de la même image
cathy garcia
belle chemise de communiant, un diplôme de comptabilité, un avenir assuré à la capitale, il en avait rêvé du fauteuil à roulette, bleu et soyeux comme le ciel dont parlait monsieur le curé, le ciel à gagner en passant sous la soutane, la communion privée après le catéchisme, dans la sacristie sapristi, il en avait rêvé du fauteuil à roulettes dans un bureau plein de plantes vertes où on lui donnerait du "monsieur le comptable", mais faut croire que le mensonge du ciel est dur à avaler pour un petit gars sous la soutane, et à Paris, la comptabilité, ça a continué comme ça, des billets certes, gagnés vite fait dans les pissotières... on l'appelait le comptable mais on lui donnait pas du monsieur, on le prenait c'est tout, vite fait, souvent mal fait, jusqu'au jour où on l'a trouvé pendu dans une église du quartier...
murièle modély
petit poète, où as-tu disparu ?
pourquoi as-tu quitté la scène de la rue ?
qui a rompu les fils
achevés chaque soir, défaits chaque matin
sur le bord du trottoir ?
Je sais, petit poète
ton âme est faible
ton corps étique
les murs de béton
et tes doigts de coton
les tranchées sont profondes
toujours profondes et sombres.
qui les a donc creusées ?
qui s'est assis ici ?
et qui t'a regardé
jeté ?
le rebut et la terre
entière dans la fosse
tranchée
tranchés aussi les mots, petit poète
les vers grouillant dans les poils blancs
menton tremblant
petit poète, es-tu
cet homme pendu
à la fenêtre ?
00:30 Publié dans l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (3)
12/09/2017
l'oreille & la plume... crachats bretons
00:07 Publié dans l'oreille & la plume | Lien permanent | Commentaires (2)
11/09/2017
l'oeil & la plume... un autre de ses fils
texte de bruno toméra ill. jlmi 2012
je l’ai rencontré dans un caboulot rue Mercière à Lyon.
Un brasier rouge d’accent du sud,
supporter clodo de l’OM,
on a parlé autour d’un picrate de tout et surtout de rien.
Il était paumé, ça tombait bien, on avait du temps.
On s’est retrouvé à Avignon quand les contrôleurs
nous ont débarqué sur le quai,
même les flics n’ont pas effacé de ses yeux cette petite lueur ravivée.
Lézards sous la chaleur des remparts, on matait les filles
« wahoo t’as vu celle là»
« canon »
« j’te lui en ferais bien péter un coup »
Rien que de l’humain désenchanté
quand tirer une crampe avec d’inaccessibles silhouettes
s’apparente à s’envoyer en l’air avec des cauchemars bien mûris.
On a poussé à dix on ne sait trop comment
sauf que là des romanos nous ont braqué.
Les pauvres volent que les pauvres, c’est plus facile.
Aux coups de poing, ça allait, quand ils ont sorti les surins
je leur ai filé la petite monnaie,
la gueule éclatée, d’autres flics nous ont empaqueté
puis on a débarqué à St Charles sans contrôle.
Le soleil hurlait, la ville aussi, les morts marchaient,
tout fonctionnait.
Ses adresses sont bidons, on a bu fait la manche et rebu,
il s’est mis à trembler, à déconner raide et pis il est tombé en râlant.
Y a fallu du temps avant que les marins pompiers
l’embarquent dans leur sillage dantesque.
M’ont rien demandé, ni son nom que je ne connaissais pas
ni ses vieux rêves déguenillés.
La mer, là-bas il y avait l’Afrique une autre « Mère » qui
se demandait comment elle avait pu engendrer une telle bande
de ridicules anxieux, fabricants de la misère qui se goinfrait
de famines, de sida, de guérillas et de contrées détruites.
Une mère qui n’aurait jamais assez de larmes.
J’ai cru poser un moment ma tête sur l’épaule de la Madone dorée.
Il n’y avait pas de miséricorde,
il n’y avait rien que des corps qui fonçaient droit vers le néant.
Je lui avais ramené un de ses fils.
J’avais pu qu’à aller me faire voir ailleurs.
00:59 Publié dans l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (4)