Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/04/2018

l'oeil & la plume... laissez moi tranquille

Cécile Coulonmilliondollars02recadrcontrastB&Wcontrast.jpg
texte de cécile coulon                                                                                                                     collage jlmi 2014
 

Laissez les hommes quitter leurs femmes pour d'adorables jeunes filles
Laissez les femmes quitter leurs hommes pour des garçons polis
Les enfants vont grandir les douleurs les fantasmes et les hivers aussi
Laissez les clés à vos voisins laissez les chiens faire leurs besoins et les chiennes leurs petits
Laissez-les se noyer dans l'eau du bain laissez flotter vos chagrins à la surface du whisky
Les poètes sont des boxeurs qui ne savent plus sur quel pied danser laissez-les transpirer
Les romanciers sont des marathoniens qui s'épuisent avant la fin laissez-les s'abreuver
Laissez les blondes avoir d'énormes seins laissez les brunes avoir de longues jambes
Les gens qui se haïssent vous savez souvent s'assemblent
Côte à côte main dans la main pourtant nous n'avons rien à faire ensemble
Laissez les gens baiser comme des lapins laissez les gens faire l'amour comme dans les films
Laissez les gens s'enfermer se salir s'indigner
Ça n'ira pas plus loin qu'une lettre d'adieu sur le frigo dans la cuisine

Laissez l'adolescence faire rugir sa colère déplacer des montagnes et tarir les rivières
Laissez les bons élèves se rêver musiciens laissez les ouvriers se rêver magiciens
Transformer la machine en mannequin libérer la colombe étouffée dans leurs mains
Laissez les médecins tirer sur l'ambulance ouvrez les hôpitaux aux malades du coeur
Fracassés par l'absence la puissance de l'ennui le manque de chaleur
Laissez les femmes lécher d'autres femmes
Laissez les hommes sucer d'autres hommes
Qu'est-ce que ça peut vous faire l'appartement est vide et le désir s'affame
Comme une fille qui n'a plus que la peau sur les os et du sel dans ses larmes
Laissez les animaux pisser sur vos portails laissez vos descendants cracher sur vos portraits
Personne n'est obligé d'aimer la ligne du même sang la haine a ses blasons que la famille ignore
Laissez les amoureux oublier qu'ils ont aimé laissez les malheureux oublier qu'ils ont sombré
La solitude est une eau douce il fait bon s'y baigner laissez vos gosses passer la nuit dehors
Ce sera moins dangereux que le mauvais décor de vos deux corps fermés coquillages silencieux

Laissez vos chaussures dans l'entrée
Laissez vos écharpes sécher
Il pleut dans mon coeur comme sur un toit d'ardoise et le vent souffle fort
Laissez-moi profiter d'un oreiller brûlant le navire ne prend plus de passager à bord
Laissez les écrivains devenir célèbre avant leur mort laissez les écoliers sécher leurs yeux et la classe
Ils ont le droit d'avoir peur vous avez le droit de vous taire le passé est une enclume l'avenir une menace

Laissez-moi penser à vous comme si nous avions toujours eu des mains liées des bouches humides
Laissez-moi vous voir je connais votre visage les lignes de vos pommettes jusqu'à vos premières rides
Laissez-moi prendre du recul du poids de la distance
Laissez-moi prendre de l'élan du pognon de l'espace
Le talent se construit le génie se libère laissez les anonymes écarter en deux murs la surface de la terre
Inscrire à l'encre des paupières les envies de voyage de douceur de promesses mensongères
Laissez-moi tranquille mes histoires me suffisent je n'ai besoin de rien
Il pleut dans mon coeur comme sur un toit d'ardoise et j'entends de ma chambre aboyer les derniers chiens.

 

 Source cg  délit de poésie   http://delitdepoesie.hautetfort.com/

 

09/04/2018

l'oeil & la plume... des hécatombes d'enfants

puits I.jpg
texte de werner lambersy                                                                                                            collage  jlmi  2014
 
 

On sacrifie

des hécatombes d’enfants au

Baal du profit

 

la mort fera

pencher les tournesols noircis

de nos âmes

 

vers des terres arides et dures

 

la vie préparera

le cerveau du poulpe ou du rat

 

afin qu’ils apprennent

à rire en se souvenant de nous

et de nos vies

 

 

in   comme les eaux s'agitent au plus profond d'un puits 

 

 

08/04/2018

l'oeil, l'oreille & la plume... Bâtisseur d’éphémère

 

vlcsnap-402100.png

 

Tel un chamane ou un druide, il arpente les terres les plus difficiles de la planète. Il erre, regarde, écoute, sent, ressent, communique avec les éléments puis, rêve comme transe à une œuvre - une sculpture ? - qui s’ajuste avec une grande précision au miroir du lieu et de la saison. Une contemporaine offrande à la Nature et comme telle éphémère. Juste pour dire aimons-nous, fusionnons, vivons en pleine intelligence.

Ainsi, il travaille les glaces canadiennes à mains nues pour élaborer un serpentin qui prend tout son vivant au soleil couchant quand l’eau cristal diffracte la lumière qui la frappe.

Plus loin, sur la rive à l’embouchure d’un fleuve, il établit une hutte ronde en bois flottés puis, attend que la marée œuvre et vienne prendre en charge ce cadeau à la mer offert.

Tout autour du globe il a semé des œufs de pierres sèches aux formes parfaites, de pures merveilles de patience et d’équilibre

Près de chez lui, il cueille des fleurs de pissenlits pour en couvrir une marmite du diable au pied d’une cascade, ouvrant un œil d’un jaune profond au cœur même du granit ou bien il assemble en longs rubans de plusieurs mètres des feuilles de châtaignier à l’aide de simples brins de paille, rubans qu’il libère dans le hasard des flux et tourbillons d’un torrent ou bien encore il pare le fait des muretins de pâturages de  longues filoches de laine brute prélevée sur les moutons des lieux.

Sur ses terres aussi, il récupère des branches de fougères desséchées, les associe avec des épines d’acacias en une toile arachnéenne suspendue afin d’animer un arbre d’hiver. Nul doute que les vents des Highlands va rapidement lui jouer des tours… mais peu lui importe. Seul compte ce bref instant où il aura obtenu – saisi ? - un équilibre fragile et précieux à l’image de la Terre en un haïkaï sans mots, une pure poésie…

Andy Goldworthy, un bâtisseur d’éphémère.