28/05/2018
l'oeil & la plume... l'Île
Tu as beau peindre ta bouche, tes yeux, tes lèvres
un jour, ça ne tient plus
sous les piétinements, le vacarme dans la rue
tu entends
le mouvement des plaques et les fissures
les raz-de-marée, les déchirures
dans le miroir de poche que tu sors de ton sac
tu vois sous ton cou brun
la terre gronder, la peau se fendre
le bourrelet de chair poindre entre tes deux seins
cela fait des années que tu retiens au fond
les morts, les vivants
Et là
au milieu de la rue
fardée et maquillée
petite outre trop pleine
tu regardes
dans l’éclatement du derme
l’île
/
Tu as
quarante ans
un mari
deux enfants
une gentille famille
sur la ride profonde
qui enfonce sa fourche
dans ta poitrine nue
celle de ta mère
celle de ta grand-mère
penchées sur ton épaule
tu ne sais pas pourquoi
tu remplis leur assiette de riz
ton mari, tes enfants
baignent dans l’odeur d’ail
ils débordent ta peau
tu ne sais pas pourquoi
tu dessines des îles
du doigt
dans un verre d’eau
ta mère, ta grand-mère
sur la pointe des flots
/
Dans le reflet
les auréoles
les ridules
les fentes
transpercent
te percent
à jour
à vif
à temps
tu te grattes jusqu’au sang
l’océan te démange
ta peau est un volcan
tu crépites, vomis
tes morts, tes vivants
/
A l’horizon
les enfants flottent
leur ballet de méduses
leurs cheveux emmêlés
sur l’os de l’asphalte
Dans le miroir le cœur
les premières secousses
ton enfance qui meurt
sur le dos de ta main
Sur ta peau
hier
demain
presque rien
(2012)
00:48 Publié dans l'oeil & la plume | Lien permanent | Commentaires (0)
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