20/09/2017
l'oeil & la plume... j'oublie de la regarder
La photo de ma mère à son bureau des années 50
est dans ma bourse depuis vingt ans,
le papier brunâtre se décolore,
le bord festonné s’est recourbé puis redressé.
Le col de sa robe est discrètement croisé.
On pourrait croire qu’on l’appelle au loin,
par l’angle que fait son cou.
Elle était la première de la famille à prendre
le bus de Claremont
qui monte la colline pour se rendre à l’université.
A un moment pendant les cours à l’école de médecine,
les étudiants noirs devaient ranger leurs affaires, se lever
et quitter l’amphithéâtre en longeant les rangées de pupitres.
Derrière la porte close, lors d’une autopsie,
les étudiants noirs n’étaient pas censés voir
la peau blanche mise à nue et découpée.
Sous le couteau, sous la peau,
mystère de la ressemblance
dans un monde qui définissait comment noir et blanc
pouvaient se regarder l’un l’autre, se toucher,
ma mère regarde en arrière avec un aplomb intact.
Chaque fois que j’ouvre ma bourse,
elle est là, si familière que j’en oublie
de la regarder.
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